Marks & Spencer : Un management « shocking »

À Paris, les salariés de Marks & Spencer sont déterminés à reprendre la grève, faute d’avoir été entendus par la direction du groupe.

Lauriane Clément  • 26 août 2015 abonné·es
Marks & Spencer : Un management « shocking »

Ambiance chez Marks & Spencer France. Les salariés de la filiale du distributeur britannique, qui accumule les bénéfices, ont organisé deux grèves, le 27 juin, premier samedi des soldes, et le 3 juillet derniers. Près de 20 % de l’ensemble des salariés se sont rassemblés devant l’enseigne des Champs-Élysées, selon le SECI-Unsa, organisation syndicale majoritaire dans l’entreprise.

Espérant une négociation avec la direction en septembre, le mouvement, qui porte sur les conditions salariales, a interrompu sa grève pendant la trêve estivale. Mais une note de service annonçant qu’aucune négociation n’était prévue à la rentrée a relancé le conflit. Les salariés sont désormais déterminés à reprendre la grève fin septembre, pendant la préparation des magasins aux fêtes de fin d’année, « et s’il le faut jusqu’en janvier » , menace Yasin Leguet, représentant syndical SECI-Unsa et employé à temps partiel de l’enseigne.

Les revendications ne semblent pas extravagantes : les salariés aspirent à une prime annuelle dite de treizième mois, à une revalorisation de 7 % de leurs salaires et à l’augmentation de la valeur de leurs tickets restaurant de 8 à 9,50 euros. Car chez Marks & Spencer, pas moins de 43 % des salariés ne perçoivent que le Smic. « Les primes sont fixées sur des objectifs inatteignables, ce qui fait de nous les salariés les moins payés du secteur du commerce » , assure Yasin Leguet. Sans compter que les plus expérimentés de la chaîne ne plafonnent qu’à 9 % au-dessus de ce salaire minimum légal, selon le SECI-Unsa. « Nous sommes des travailleurs pauvres, précaires, en bas de l’échelle sociale, gagnant à peine plus que des chômeurs », dénonce le syndicat. « Marks & Spencer est tout simplement le tiers-monde du secteur de la vente au détail en France » , martèle Yasin Leguet.

Les dirigeants, eux, promettent un avenir meilleur. « Ils nous disent que tout le monde doit se sacrifier pour que l’entreprise réussisse, que celle-ci est encore fragile », grince Yasin Leguet . La chaîne était pourtant bénéficiaire lorsqu’elle a brutalement quitté la France en 2001. Et depuis qu’elle est revenue sur le territoire français, il y a quatre ans, elle n’a pas lésiné sur les investissements immobiliers. Elle est aujourd’hui à la tête de onze sites bien implantés à Paris et en Île-de-France, notamment sur les Champs-Élysées . L’enseigne prévoit également l’ouverture de vingt magasins d’ici à 2017. Le tout pour un potentiel de vente en France estimé à plus de 300 millions d’euros sur la période.

« Moi, ma motivation première n’est pas l’argent, mais la manière dont nous sommes traités , témoigne une salariée de la marque qui a souhaité garder l’anonymat. On est perçus comme des moins que rien, il n’y a aucune reconnaissance. » Avant de poursuivre, amère : « Chez Marks & Spencer, l’équité n’existe pas entre les salariés. Si vous n’êtes pas aimé par votre manager, il peut vous faire vivre un enfer, même si vous êtes irréprochable au niveau du travail. » Pire, les employés auraient subi des tentatives répétées d’intimidation. « On m’a clairement dit que je n’évoluerai plus jamais dans la société si je faisais grève » , assure la salariée, qui se dit proche du burn out . « C’est du management par la terreur » , s’indigne Yasin Leguet. Le jeune homme ne manque pas d’exemples pour étayer ses propos. « Le lendemain de la grève, certains salariés ont été convoqués en entretien individuel parce qu’on les avait entendus parler entre eux du mouvement social. On les a menacés de sanctions alors que cela relève de la liberté d’expression ! » D’autres auraient reçu des promotions « tombées du ciel » en échange de leur silence et de leur non-participation à la grève.

Face à la colère de ses employés, la direction de Marks & Spencer fait la sourde oreille. « Tous nos magasins ont fonctionné normalement les 27 juin et 3 juillet. Mais nous avons été déçus de ne pas avoir été contacté par le SECI-Unsa sur ces grèves » , a fait savoir à Politis l’un des porte-parole du groupe. « C’est faux, et nous avons reçu l’appel du président pour nous demander d’arrêter la grève pendant la trêve estivale » , réfute Yasin Leguet.

Autre signe que le dialogue social n’est pas en bonne voie chez Marks & Spencer, le délégué du personnel, Bangaly Kaba, a porté plainte contre la direction pour obstruction à l’exercice de son mandat syndical. Il avait été empêché, le 3 juillet, de circuler librement dans le magasin du centre commercial de So Ouest, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), par des agents de sécurité recrutés en prévision de la grève. Quant aux revendications des salariés, la direction n’a donné aucun signe. Ne reste plus qu’à relancer le mouvement et à remettre l’entreprise dans le droit chemin des valeurs de respect qu’elle prétend défendre.

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