COP21 : Hollande, des milliards !

À trois mois de la conférence COP 21 de Paris, les associations écologistes attendent des engagements forts de la France sur la question déterminante des aides financières aux pays pauvres.

Patrick Piro  • 9 septembre 2015 abonné·es
COP21 : Hollande, des milliards !
© Photo : HUGUEN/AFP

« C’est sur le financement que tout va se jouer, c’est la clé », a convenu François Hollande lors de sa conférence de presse du 7 septembre, alors qu’il était interpellé sur les chances de succès de la conférence sur la lutte climatique (COP 21), qui réunira les représentants de 196 pays à Paris en décembre prochain. « Il n’y aura pas d’accord avec les pays émergents et les pays du Sud s’il n’y a pas d’engagements fermes sur les financements. » La mire a été fixée lors du sommet climat de Copenhague (2009) : il faudra trouver, d’ici à 2020, 100 milliards de dollars par an pour abonder le Fonds vert, destiné à aider les pays qui sont les moins responsables du dérèglement climatique à s’adapter à ses conséquences. Or, à ce jour, les promesses des pays industrialisés atteignent à peine 10 milliards de dollars. La réussite de la COP 21 est un objectif majeur du Président, et les associations écologistes affûtent depuis des mois leur stratégie de pression sur le gouvernement. « Il existe une source de financement susceptible de faire basculer les négociations », expliquait jeudi 3 septembre le Réseau action climat (RAC-France) en exposant un mémorandum de cinq mesures fortes présentées au gouvernement : mettre le cap vers 100 % d’énergies renouvelables en 2050, renoncer aux subventions publiques au charbon, adopter une taxe dissuasive sur les émissions de CO2, donner accès à tous aux alternatives à la voiture.

Et, surtout, instaurer une taxe internationale sur les transactions financières (TTF), dont un quart pourrait abonder le Fonds vert. Onze pays européens [^2] travaillent depuis 2012 à un projet qui pourrait drainer de 24 à 34 milliards d’euros en leur sein. Mais il est repoussé de mois en mois en raison de désaccords sur l’assiette et les taux de prélèvement appliqués [^3], « ainsi que d’une intense campagne du secteur bancaire pour en réduire la portée à peau de chagrin », souligne Alix Zuinghedau, à la Coalition internationale sida [^4]. Pour espérer déclencher un effet d’entraînement sur d’autres pays avant la COP 21, François Hollande devra emporter la décision de ses partenaires lors de la rencontre des ministres européens des Finances le 6 octobre, insiste Nicolas Vercken, directeur du plaidoyer à Oxfam-France. « La TTF européenne est une chance unique, un levier qui changerait la donne en faveur de la réussite de la COP 21. » Quoi qu’il en soit, cette TTF n’entrerait pas en vigueur en janvier 2016 comme prévu initialement, a admis début septembre le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, en raison des délais de mise en œuvre. Cependant, avant de monter au créneau politique, le gouvernement devra balayer devant sa porte. « Nous sommes exemplaires », s’est rengorgé le Président, évoquant la loi de transition énergétique adoptée cet été. Un satisfecit que lui dénie Morgane Créac’h, directrice du RAC-France, qui regroupe seize associations. « La France, bien qu’en retard sur ses voisins, ne s’est clairement pas mise sur les rails ! » Tous les textes d’application restent à signer. Ainsi, la novatrice Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui définira la progression des énergies renouvelables, a été reportée à 2016, après la COP 21 et les élections régionales. « Nous ne croyons pas à un retard technique, il s’agit d’une décision politique », affirme Morgane Créac’h, qui soupçonne une résistance des milieux du nucléaire et des énergies fossiles.

Le financement de la transition énergétique est aussi dans le flou, fragilisé par l’abandon de la taxe poids lourds par la ministre de l’Écologie. Quant à la taxe française sur les transactions financières, en vigueur depuis 2012, elle ne draine que 780 millions d’euros par an, dont seulement 20 % pour la solidarité internationale – le canal d’affectation des aides climatiques aux pays du Sud. « Sur le milliard de dollars de la contribution française au Fonds vert, une énorme part est constituée… de prêts ! », déplore Friederike Röder, directrice de ONE-France, organisation internationale de plaidoyer sur ces questions. « Pour se rapprocher du niveau d’effort financier du Royaume-Uni, il faudrait que la France double le rendement de sa TTF », indique Alexandre Naulot, responsable du dossier à Oxfam-France. Le 7 septembre, François Hollande a donné rendez-vous à New York fin septembre. « Nous avons décidé de faire de l’assemblée générale des Nations unies un rendez-vous majeur pour la préparation de la conférence », préludant à une « offensive » française sur le financement de la lutte climatique.

[^2]: Autriche, Allemagne, Italie, Espagne, France, Belgique, Portugal, Grèce, Slovaquie, Estonie et Slovénie.

[^3]: La principale hypothèse en vigueur : taxer les transactions à 0,1 % pour les actions et les obligations, et à 0,01 % les produits financiers dérivés.

[^4]: La TTF doit aussi aider à financer la lutte contre les pandémies.

Écologie
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