La SNCF condamnée pour 45 ans de discrimination envers les Chibanis
Plusieurs centaines de Chibanis marocains, embauchés par la SNCF dans les années 1970, ont obtenu ce lundi la reconnaissance d’une « discrimination dans l’exécution du contrat de travail » et « dans les droits à la retraite ».
Le Conseil de Prud’hommes de Paris a donné satisfaction à l’immense majorité des 832 plaignants. Embauchés pour la plupart comme contractuels, ils étaient moins bien payés et avaient des retraites inférieures à celles de leurs collègues cheminots.
La SNCF s’expose désormais à des dommages et intérêts allant de « 150 000 à 230 000 euros » par personne, selon Abdelkader Bendali, professeur marocain au côté des plaignants. L’affaire pourrait coûter à la SNCF autour de 150 millions d’euros.
« Vive la République »
Les décisions ont été livrées aux avocats, par piles, en présence de quelque 150 personnes, rapporte l’AFP. Après avoir ouvert un premier jugement, l’avocate des « chibanis » (cheveux blancs en arabe) Clélie de Lesquen s’est tournée en relevant les poings. Le silence a laissé place aux applaudissements et aux cris: *« Vive la République, vive la France, vive la justice! »
*
Emus, les cheminots sont restés plus d’une heure dans la salle à partager leur joie.
Ahmed Katim, porte-parole de l’association rassemblant les plaignants, était en larmes:
« C’est une énorme satisfaction, la dignité pour les Marocains » et « la fin d’un combat de 15 ans » pour faire reconnaître plusieurs dizaines d’années de discrimination, a-t-il dit.
«Clause de nationalité»
La SNCF considère n’avoir fait « qu’appliquer la loi » . Les « dispositions légales en vigueur (…) excluent, aujourd’hui encore, l’embauche au statut SNCF de ressortissants de pays non membres de l’Union européenne » , rappelle la SNCF.
SUD-rail, seul syndicat à avoir soutenu la cause des Chibanis, s’est « félicité » de cette condamnation et a réclamé de nouveau « l’abolition de la “clause de nationalité“ responsable de ces discriminations » .
De son côté, Abdelhadi Fedfane, 66 ans, entré comme contractuel en 1974, parti à la retraite en 2010 « cassé des pieds à la tête » se dit « très heureux » même si cela « ne répare pas ma santé » . « D’autres sont morts » , rappelle-t-il. Dans la salle, quelques veuves étaient présentes.
Parmi les « déboutés » figurent quelques dossiers prescrits et ceux d’une dizaine de travailleurs détachés par les chemins de fer marocains.
La SNCF a un mois pour contester les jugements après leur notification, prévue fin octobre. « On se laisse le temps de l’analyse avant de faire éventuellement appel » , a réagi auprès de l’AFP un porte-parole du groupe.