Attention, lâcher de loufoques !

Quatre compagnies mettent leur burlesque en commun. Mais la provocation tourne court.

Gilles Costaz  • 28 octobre 2015 abonné·es
Attention, lâcher de loufoques !
Onomatopée , Théâtre de la Bastille, Paris XIe, 01 43 57 42 14. Jusqu’au 6 novembre.
© Sanne Peper

A priori, c’est une rencontre au sommet. Quatre compagnies flamandes et néerlandaises se sont réunies pour créer un spectacle typique de leur humour, avec l’intention d’être dévastateurs au regard des conventions théâtrales. En fait, sur scène, il y a un représentant – ou deux – de chacune des équipes : tg Stan (la troupe la plus connue en France, célèbre pour s’emparer de textes existants et les accommoder à sa manière), De Koe, Dood Paard et Maatschappij Discordia. Ils sont habillés en garçons de café et servent du thé à la menthe. Mais tout va mal ! Ces maladroits versent à côté le breuvage bouillant. Ils sont si gaffeurs que le spectacle ne commence pas. Seule la banderole placée au-dessus de leur tête exprime une pensée : « Le geste spontané a disparu de la sphère néolibérale qu’est devenue la société. »

On attend des discours, ils finissent par arriver. Il y en a d’abord un en anglais, puis un autre en allemand. La traduction défile sur un décor bricolé qui se fendille et qu’un serveur pataud répare comme il peut. Allez, un dernier discours ! L’un des garçons assène qu’il n’aurait jamais pu parler aussi bien que les précédents – qui savent si bien réfléchir pendant leur temps de pause ! Mais des têtes de vache et d’élan percent les parois en papier. Il est temps de traverser le décor comme on traverse un miroir et de passer à autre chose. De l’autre côté, les acteurs, qui ont troqué leurs vestes blanches contre des marcels noirs de lutteur, se livrent à un concours de poésie loufoque et sonore. Le spectacle se termine sur la volupté des mots et des onomatopées.

On n’est pas loin du fameux projet de Flaubert : « Faire un livre sur rien ». En effet, nos burlesques flamands travaillent sur le vide et le conventionnel avant de revenir au biberon du surréalisme belge. Mais leur provocation a du mal à tenir la distance. Quand les tg Stan jouent avec un matériau, ils retirent et ajoutent du texte en se nourrissant de l’œuvre originale. Là, lancés sans biscuits, les saltimbanques se sentent démunis et tentent de le cacher. On rit quelquefois, on admire la belle santé de déconneurs qu’ils ont tous. Mais il y a peu de grain à moudre.

Théâtre
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