« Jungle » de Calais : Les pouvoirs publics au pied du mur

À Calais, Médecins du monde et le Secours catholique ont ouvert un contentieux inédit contre l’administration.

Ingrid Merckx  • 28 octobre 2015 abonné·es
« Jungle » de Calais : Les pouvoirs publics au pied du mur
© Photo : CHARLET/AFP

L’administration sommée de prendre ses responsabilités à Calais ? Le 26 octobre, Médecins du monde et le Secours catholique ont ouvert un contentieux avec les pouvoirs publics. C’est inédit de la part de ces deux ONG. Aux côtés de requérants soudanais, érythréens, irakiens, afghans, syriens, elles ont sollicité le juge du tribunal administratif de Lille pour que soient prises des mesures en urgence en faveur des réfugiés de Calais. Cette requête qui vise la préfecture, la mairie et l’agence régionale de santé s’appuie sur la violation de plusieurs droits fondamentaux : droit au respect de la vie, droit à la dignité humaine, droit de ne pas subir de traitements inhumains et droit d’asile. Six mille personnes s’entassent aujourd’hui dans la « jungle », bidonville qui jouxte le centre Jules-Ferry, soit un effectif qui a doublé depuis l’été.

Les associations n’ont cessé d’alerter sur les conditions de vie sur place, faisant état d’une épidémie de gale, de fractures mal soignées, de membres lacérés par les barbelés qui entourent le site d’Eurotunnel, de coups et lésions, d’abcès dentaires, de tensions artérielles anormalement basses, de dénutrition, de grossesses non suivies ou en demande d’interruption, d’enfants livrés à eux-mêmes, de cas de prostitution… Sans compter l’eau potable et les sanitaires en quantité insuffisante, les problèmes d’évacuation des déchets et les risques d’inondation, d’incendie et d’explosion. Le 20 octobre, paraissait l’appel des 800, qui ajoutait au constat sanitaire des cas de violences policières et de ratonnades organisées par des militants d’extrême droite.

« Le référé-liberté est une procédure d’urgence, un moyen de mettre une pression supplémentaire sur les pouvoirs publics afin qu’ils accèdent à nos demandes dans des délais contraints », explique Anne-Lise Denœud, juriste à Médecins du monde. Sous peine de se retrouver rapidement devant le Conseil d’État ou la Cour européenne des droits de l’homme. « Ce que nous demandons, c’est évidemment que le camp soit démantelé et que l’ensemble des personnes soient hébergées, a ajouté Me Patrice Spinosi, avocat des ONG. En l’attente de sa disparition, des mesures urgentes doivent être prises pour garantir la sécurité minimale des personnes présentes. » Les recommandations du Défenseur des droits rendues publiques le 6 octobre ont déclenché ce recours. Jacques Toubon précise : « Des réponses exclusivement humanitaires, aussi urgentes soient-elles, ne sauraient suffire : Calais reste le symptôme, certes spectaculaire, des écueils de la politique migratoire de l’Union européenne, tendant à la réduction des voies légales d’émigration. »

Société
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