Les OGM perdent du terrain

La production de maïs transgénique a baissé de 19 % en Europe. Jusqu’au sein du Parlement européen, le rejet est croissant.

Sasha Mitchell  • 28 octobre 2015 abonné·es
Les OGM perdent du terrain
© Photo : SMIALOWSKI/AFP

Les agriculteurs européens se désintéresseraient-ils du maïs transgénique ? C’est ce que laissent penser les chiffres publiés par l’association Inf’OGM début octobre. Entre 2014 et 2015, les cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ont ainsi baissé de 19 % dans l’Union européenne. En surface agricole, cela représente plus de 25 000 hectares de terres libérés. « Cette baisse est à relativiser, tempère cependant Christophe Noisette, d’Inf’OGM. Si elle paraît impressionnante, c’est aussi parce que les cultures totales de maïs ont diminué sur la même période. »

En Espagne, pays le plus friand de la seule variété génétiquement modifiée autorisée en Europe, le MON810, la proportion d’OGM est passée de 31 % à 28 % de la production globale de maïs. « Au départ, les Espagnols ont accepté les OGM parce que les contraintes techniques étaient inexistantes et que c’était facile à planter, analyse Christophe Noisette. Mais, aujourd’hui, les agriculteurs se rendent compte que les rendements ne sont pas forcément meilleurs et que les coûts engendrés sont importants. » Pour concurrencer le MON810, produit du géant américain Monsanto, on se bouscule au portillon. Sept variétés de plantes génétiquement modifiées, proposées par les entreprises de biotechnologies Pioneer, Syngenta, Dow AgroSciences et Monsanto lui-même, sont en cours d’autorisation à Bruxelles. Mais pas moins de dix-sept pays de l’UE ont déjà fait savoir aux semenciers qu’ils ne souhaitaient pas cultiver ces variétés. Parmi eux, la France et, plus surprenant, les Pays-Bas, le Danemark et Malte, pourtant considérés comme favorables aux biotechnologies. « Les OGM transgéniques ont échoué en Europe, constate Christophe Noisette. À l’aube des années 2000, Monsanto tablait sur 1 million d’hectares, or nous en sommes très loin. Désormais, les semenciers se tournent vers d’autres formes d’OGM, en favorisant la cisgénèse : un transfert de gènes entre organismes apparentés. Leur but est de faire oublier le transgénique, pour que l’on ne se rende plus compte que les OGM sont des OGM. » Signe supplémentaire de ce rejet, le vote de la Commission environnement et santé publique du Parlement européen, le 13 octobre, contre la proposition de la Commission européenne de renationaliser l’utilisation des OGM dans l’alimentation humaine et animale. Autrement dit, de donner le dernier mot aux États sur la commercialisation des OGM importés. « Les députés ont clairement indiqué leur opposition à un régime d’autorisation à la carte qui sèmera la pagaille au sein de l’UE, a réagi l’eurodéputé du groupe Verts-ALE José Bové. La Commission a jusqu’ici refusé de revenir sur sa proposition, ignorant non seulement le vote démocratique du Parlement mais également l’opposition d’une majorité de gouvernements et de citoyens. »

Car, paradoxe de ce recul des cultures transgéniques, la présence d’OGM dans les assiettes des citoyens européens est en progression. En avril, l’UE a autorisé l’importation et la commercialisation de 17 OGM, portant le total à 58 variétés de maïs, de coton, de colza, de soja et de betteraves sucrières potentiellement présentes dans notre alimentation. « Nous dénonçons depuis longtemps la dépendance aux produits issus de la transgénèse et principalement destinés aux animaux d’élevage, affirme Olivier Keller, président de la Commission agriculture de la région Rhône-Alpes. Mais la majorité qualifiée des pays européens n’est jamais atteinte pour voter contre. Du coup, la Commission autorise la commercialisation. » Si le recul des cultures OGM est « une petite victoire », selon le conseiller régional EELV, à l’échelle européenne, nombre de points demeurent en suspens, comme l’autorisation de nouvelles variétés qui risquent de se multiplier sous d’autres formes que la transgénèse dans les années à venir, ainsi que l’établissement de « zones tampons » entre les pays autorisant la culture d’OGM et leurs voisins hostiles.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas
Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement
Environnement 19 novembre 2024 abonné·es

Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement

Deux sénateurs de droite ont déposé une proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Mégabassines, pesticides, etc. : elle s’attaque frontalement aux normes environnementales, pour le plus grand bonheur de la FNSEA.
Par Pierre Jequier-Zalc
« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »
Entretien 13 novembre 2024 abonné·es

« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »

Climatosceptique de longue date, Donald Trump ne fera pas de l’écologie sa priorité. Son obsession est claire : la productivité énergétique américaine basée sur les énergies fossiles.
Par Vanina Delmas
« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »
Entretien 8 novembre 2024 abonné·es

« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »

Le collectif de chercheurs Scientifiques en rébellion, qui se mobilise contre l’inaction écologique, sort un livre ce 8 novembre. Entretien avec un de leur membre, l’écologue Wolfgang Cramer, à l’approche de la COP 29 à Bakou.
Par Thomas Lefèvre