Migrants : Du rejet au lynchage

À Calais, des riverains ont manifesté contre des occupants de la « jungle ». Une population fragilisée, victime d’actes de violence.

Ingrid Merckx  • 7 octobre 2015 abonné·es

La manifestation avait été interdite par la mairie mais autorisée par la préfecture. Ils étaient trois cents « Calaisiens en colère » à exprimer leur hostilité aux migrants sur une plage de Calais, le 4 octobre. « Cela fait chaud au cœur de voir autant de monde réuni », a confié à l’Agence France-Presse Sarah Guerlach, une des représentantes du collectif anti-migrants. « On veut récupérer les clés de la ville des Six Bourgeois », clamait une des banderoles.

Ce collectif qui se dit « apolitique » et « non raciste » a pourtant laissé la parole à Samuel Delcloy, qui figurait sur la liste Front national aux dernières municipales. «   On dénonce les agissements de clandestins de plus en plus violents, aurait-il déclaré, d’après la Voix du Nord. Ils veulent quoi ? Qu’on prenne leur place dans leur jungle et qu’eux ils prennent nos maisons ? », a-t-il ajouté, accusant les associations «   de faire leur beurre sur le dos de malheureux ». Des propos qui sont la copie de ceux tenus par Marine Le Pen deux jours plus tôt. Le 2 octobre, la présidente du FN a en effet qualifié Calais – 75 000 habitants – de « ville martyre », « assiégée » par quelque 3 000 migrants. Elle a demandé au conseil régional de geler les subventions aux associations qui les soutiennent. Mais a prévenu : «  Je ne vais pas créer une police spéciale migrants  » Certains ont anticipé : depuis le 2 septembre, une application mobile pour smartphone est disponible sur la plateforme de téléchargement Apple, qui permet aux chauffeurs routiers de signaler des regroupements de migrants sur les routes ou des tentatives d’intrusion dans leur camion. Les violences policières contre des migrants sont régulièrement dénoncées par les associations qui les soutiennent. Le 21 septembre, des Syriens réfugiés dans des squats en centre-ville étaient violemment expulsés par des CRS. Ils ont dû rejoindre à pied la « jungle », en périphérie, où vivent près de 3 500 personnes dans des conditions indignes : rats, tuberculose, gale, stress… « Un ghetto où la police ne va plus, où la mafia règne, où la prostitution est à l’œuvre », a déploré Véronique Fayet, du Secours catholique.

Le parquet de Boulogne-sur-Mer a ouvert une enquête concernant des actes d’agression sur des migrants. Au moins neuf cas de violence auraient été déclarés depuis août par des Érythréens et des Soudanais. Le 25 septembre, l’un d’eux aurait été enlevé par des individus en voiture, gazé, dénudé, roué de coups et laissé pour mort. C’est ce qu’on appelle un lynchage.

Société
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