Indonésie : juger l’histoire
REPORTAGE. Du 10 au 13 novembre, un tribunal citoyen s’est tenu à La Haye pour statuer sur des massacres commis en 1965.
dans l’hebdo N° 1378 Acheter ce numéro

La voix semble sortir des murs. Elle résonne dans la salle d’audience silencieuse, ricoche sur les bancs du public, qui ne sait où porter le regard. Le siège des témoins est vide, la femme parle dissimulée par un rideau. Une anonyme qui ne souhaite pas affronter les visages des juges et du public, qui se décomposent au fil de son récit. « J’ai été arrêtée pour la première fois en octobre 1965. J’étais une jeune étudiante à l’époque. […] Six soldats sont entrés chez moi. Ils m’ont accusée d’être communiste, m’ont ordonné d’avouer. J’ai dit que ce n’était pas vrai. Ils m’ont déshabillée. Ils m’ont brûlé le corps, ils… » La voix se brise. Dans le public, une femme pleure silencieusement. Cette histoire qu’elle entend date de cinquante ans. Mais celle qui la raconte sort de son silence pour la première fois. Sous un ciel plombé, ce 10 novembre, une centaine de personnes se presse à l’entrée de la Nieuwe Kierk, vieille église du centre-ville de La Haye, pour assister à l’ouverture du People’s International Tribunal 1965. À l’initiative de militants des droits de l’homme indonésiens et d’associations de victimes, ce tribunal citoyen se penchera pendant quatre jours sur des exactions commises entre 1965 et 1967 en Indonésie, au tout début de la dictature militaire du général Suharto (voir encadré page suivante).
L’enjeu : juger des crimes qui n’ont jamais été présentés devant un tribunal, national ou international, et lever le voile sur