Quand les peuples s’emparent de la justice
Les tribunaux citoyens ont la volonté de pallier les manquements des justices nationales ou internationale, d’ordre institutionnel mais aussi politique. Sans pouvoir pénal, ils peuvent néanmoins représenter un réel contre-pouvoir.
dans l’hebdo N° 1378 Acheter ce numéro

«Toute justice, dans son principe comme dans son exécution, n’appartient qu’à l’État. » Par ces mots, adressés à Jean-Paul Sartre, Charles de Gaulle interdit la tenue du premier tribunal citoyen en France. Nous sommes en 1967, les États-Unis s’engluent au Vietnam et la contestation contre cette guerre bat son plein. C’est dans ce contexte que le philosophe et mathématicien anglais Bertrand Russell lance l’initiative d’un tribunal d’opinion, reflet citoyen du système judiciaire, pour juger ce qui ne comparaîtra jamais devant une cour de justice : l’intervention américaine au Vietnam. Présidé par Jean-Paul Sartre, avec pour jury un panel d’intellectuels, ce tribunal n’a certes pas de pouvoir pénal, mais, n’en déplaise au général de Gaulle, il s’empare du droit. À Stockholm (Suède) et à Roskilde (Danemark), puisque interdites à Londres et à Paris, les audiences passent en revue témoignages et documents, et tentent de qualifier les faits en termes légaux.
Les notions de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité », introduites dans le droit international par le tribunal de Nuremberg, sont convoquées à la barre. Les États-Unis sont condamnés, bien sûr sans effet. Le « Tribunal Russell sur les crimes américains au Vietnam » n’a pas le pouvoir d’exécuter ses décisions par la force, et ce n’est pas son but. Assemblée d’intellectuels se plaçant au-delà des intérêts nationaux, son jury veut s’adresser à « la conscience universelle ». Un principe et un mode d’action qui inaugurent une longue série de tribunaux d’opinion. De la création en 1979 du Tribunal permanent des peuples (une organisation pérenne pensée dans la
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