Reprendre sa boîte : une riche idée

Un tour d’horizon des entreprises transformées en coopératives. Souvent avec succès.

Thierry Brun  • 11 novembre 2015 abonné·es
Reprendre sa boîte : une riche idée
© **Coopératives contre capitalisme** , Benoît Borrits, Syllepse, 192 p., 10 euros.

Il est surprenant de voir combien les expériences de reprise d’entreprises en sociétés coopératives et participatives (Scop) sont populaires, remarque Benoît Borrits dans un ouvrage qui en dresse la chronique récente. Même à droite, on reconnaît du bout des lèvres le bénéfice de cette évolution.

Pourtant, l’appropriation sociale des entreprises demeure impensée à gauche, déplore le militant de l’autogestion, auteur de nombreux articles dans la revue Regards. La coopérative de travail n’est en effet pas considérée comme une issue au conflit entre le travail et le capital, et n’est donc pas envisagée comme une alternative à la dérive de la social-démocratie. Pour argumenter en faveur d’une société non capitaliste, l’auteur s’appuie sur les initiatives réussies… sans faire l’impasse sur un certain nombre d’échecs. Comme celui, cuisant, de SeaFrance. Cette coopérative de 600 salariés qui assurait des traversées Calais-Douvres en ferry a été liquidée en juillet dernier. D’autres subsistent, mais avec des rémunérations insuffisantes pour les travailleurs associés. En dépit de ces contre-exemples, les coopératives de production ont des taux de survie et de longévité supérieurs aux autres entreprises. Dans bien des cas, la reprise d’une société se révèle une bonne opération pour les salariés. À Gémenos (Bouches-du-Rhône), après des années de lutte, les ex-Fralib ont créé Scop TI. À Carcassonne, les Pilpa ont repris leur usine pour créer la Fabrique du Sud, une coopérative qui a lancé sa gamme de glaces « La Belle Aude » en 2014. Dans l’Essonne, l’imprimerie Hélio-Corbeil, spécialiste de l’héliogravure pour les magazines, a été reprise en coopérative en 2012 par 90 de ses 120 salariés, dans un contexte difficile pour la presse écrite. Ces quelques expériences en France et en Europe (Vio.Me en Grèce, Officine Zero en Italie) montrent que, dans presque toutes les reprises, les syndicats ont joué un rôle moteur. Les salariés sortent du champ strictement revendicatif pour pérenniser eux-mêmes leur emploi.

L’auteur souligne que cette appropriation des entreprises dessine une nouvelle démocratie sociale avec peu de moyens. Mettre en place cette alternative ne va pas sans la généralisation de mesures sociales d’accompagnement qui préfigurent « la société de demain ». Benoît Borrits propose ainsi de nouveaux droits pour les salariés ainsi qu’une nouvelle cotisation patronale « investissements ». Surtout, le progrès social qu’il décrit suppose un dépassement des sociétés de capitaux.

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