Boues rouges autorisées: une décision préfectorale en eaux troubles

Claude-Marie Vadrot  • 31 décembre 2015
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Boues rouges autorisées: une décision préfectorale en eaux troubles
© Photo: Vue aérienne de l'usine d'aluminium Alteo Gardanne en novembre 2011 (AFP / GERARD JULIEN).

Ségolène Royal à vigoureusement protesté contre le renouvellement de l’autorisation des déversements en mer des boues rouges produites par l’usine d’aluminium de Gardanne dans les Bouches-du-Rhône. Une pollution (276 mètres cube à l’heure) autorisée depuis les années 60 ; en dépit des résidus toxiques charriés par les rejets et du colmatage progressif du fond de la mer sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés, dans le parc national des Calanques. Lors de sa création, en 2012, il avait été solennellement affirmé que les boues rouges ne seraient plus déversées en mer à partir de décembre 2016 date de la fin de l’autorisation, donnant enfin gain de cause aux protecteurs de la nature qui protestaient en vain depuis très longtemps.

Surprise, le préfet a donné une nouvelle autorisation pour six années. Contre l’avis de la ministre et en s’appuyant sur la « décision » du Conseil Supérieur de Prévention des Risques Technologiques (CSTRT) en « oubliant » de préciser que les avis de cet organisme étaient purement consultatifs. Certes, comme l’expliquent les services du Premier Ministre, cet avis a été adopté à une large majorité. Mais ils omettent de signaler que les 45 membres de ce « Comité Théodule » ne comprennent que 7 représentants des associations environnementales. Les autres sont des membres des ministères (8) dont celui qui représentait le ministère de l’Ecologie, les représentants des inspecteurs des installations classées (7), des personnalités compétentes toutes liées à l’industrie (7), des représentants du secteur industriel (7), des représentants des salariés de l’industrie(5) et des élus locaux (4). Une instance qui n’est donc ni paritaire ni représentative de la société et est présidée par un ingénieur des Mines à la retraite.

Seuls les représentants associatifs ont donc voté contre la poursuite pendant six ans des rejets, tous les autres, y compris celui du ministère de l’Ecologie, ont voté pour la solution qui avait été « suggérée » par le Préfet, après une courte délibération le 22 décembre. Alors, que comme l’explique par exemple Eric Gilli, chercheur et enseignant à l’Université de Paris 8, spécialiste de ces questions, « un phénomène d’aspiration d’eau de mer permet à ces boues de remonter de quelques kilomètres à l’intérieur de l’aquifère des Calanques. On les retrouve donc dans la rivière souterraine qui alimente la source de Port Miou prés de la zone des rejets ». Un phénomène en cours d’extension qui a également des effets très nocifs sur la faune maritime. Au nom, argument classique, de la préservation de l’emploi. La multinationale ALTEO, va donc continuer à polluer la mer alors qu’il existe des solutions techniques pour arrêter les rejets et traiter les effluents à terre. Mais le changement de technologie (promis depuis des lustres) représenterait un investissement que refusent ses actionnaires.

Écologie
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