« Camarade » Cambadélis…

Les « socialistes » ont pris les mesures sécuritaires que l’extrême droite réclamait.

Sébastien Fontenelle  • 2 décembre 2015 abonné·es

Jusqu’à ces derniers temps, je t’ai beaucoup regardé mouliner, dans les réseaux sociaux (mais pas que), l’idée – ancienne déjà, et qui vous a déjà fait tant de profit, à vous, les « socialistes » – qu’il convenait, aux régionales du moment comme en toute élection, de voter pour vos candidat(e)s pour empêcher le parti péniste. Si mes souvenirs sont exacts, j’ai déjà plusieurs fois crié, dans l’espace congru de ces deux minuscules feuillets [^2], à quel point ce procédé me donnait envie de gerber, puisque aussi bien, répétons-le pour le cas que d’aucun(e)s auraient omis de s’en aviser, c’est depuis que vous avez commencé, au mitan des 1980’s, à renier tous vos engagements que l’FN a pris dans nos paysages politiciens l’importance qu’on lui connaît.

Cependant, je pensais benoîtement qu’après la sinistre séquence des lendemains – si froids et longs – des tueries de masse du 13 novembre 2015 tu mettrais une sourdine à ces proclamations. Car, en effet, tout « socialiste » que tu sois, tu as forcément constaté que tes « camarades » Hollande et Valls ont pris, dans l’émotion de ces moments de pur effroi, et sans laisser du tout la honte leur éblouir les yeux, les mesures sécuritaires mêmes dont l’extrême droite réclamait depuis des années l’adoption : cette crânerie leur a du reste valu d’être félicités par tout un tas de Pen, marines ou maréchales.

Puis encore : ledit Valls, décidément débondé par l’horreur des circonstances, a proféré, tout comme la cheffe du Front national venait de faire pendant maints mois, qu’il convenait dorénavant de fermer nos frontières aux réfugié(e)s qui fuient l’enfer de la Syrie. (Peu de temps avant de tomber ainsi le masque et de clore ses paupières, il avait lancé, dans un très bouleversant tweet : « Dire “il faut tout fermer”, c’est fermer les yeux sur les réfugiés qui meurent à nos portes. » ) Et donc j’ai supposé qu’après tout cela, qui fait quand même beaucoup, tu aurais du moins la dignité de ne plus ériger ton parti en dernier rempart contre l’FN.

Au lieu de quoi, tout au rebours, tu as posément suggéré que les mêmes appels à « tout fermer » relevaient, lorsqu’ils étaient tenus par la Pen, de la xénophobie – mais d’un admirable souci de sécurité quand ils étaient redits par quelqu’un de chez toi [^3]. Ce que découvrant, j’ai pensé que tu aurais dû t’astreindre à plus de retenue – ou peut-être même au silence. Et je dois reconnaître ici, « camarade » Cambadélis, que cette réaction était injuste – car tu sais te taire : quand tes potes gouvernementaux répriment sous le couvert de l’antiterrorisme des militant(e)s écologistes, interdisent des manifs et font donner la troupe contre qui brave cette censure, tu te tiens, on doit te l’accorder, irréprochablement coi.

[^2]: Dont je quémande auprès du chef Sieffert depuis maintenant neuf siècles qu’ils soient portés à trois.

[^3]: Tes mots précis : « Nous ne sommes pas dans la xénophobie comme Marine Le Pen, mais dans la sécurité. »

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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