Contre les idées qui enferment, la France qu’on aime

La France reste en effet une construction, une projection, qui peut prendre un bon comme un mauvais tour. C’est pourquoi, dans cette lutte des représentations, affirmer « la France qu’on aime » n’est pas anodin.

Christophe Kantcheff  • 16 décembre 2015
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Contre les idées qui enferment, la France qu’on aime
© Photo : JEAN-SEBASTIEN EVRARD/AFP

Face à l’injonction « il faut aimer la France ! », très souvent entendue durant cette année 2015 si bouleversée, combien sommes-nous à rester sur la réserve ? Quelle France est ainsi invoquée et promue ? Celle de Macron ? Celle des Le Pen ? Celle de « nos » grandes sociétés « conquérantes » qui polluent et exploitent sans vergogne des populations loin de l’Hexagone ?

Au lendemain des attentats de novembre, le drapeau tricolore a ressurgi comme emblème d’une unité nécessaire face à l’adversité meurtrière. Mais, là encore, ce drapeau aux origines révolutionnaires, synonyme de liberté pour les patriotes résistants pendant l’Occupation, symbolise tout aussi bien des idéologies beaucoup moins glorieuses, sinon honteuses, et se voit trop souvent brandi aujourd’hui à des fins d’exclusion.

La France est l’objet de multiples représentations. Il serait vain, disait l’historien Fernand Braudel, de la ramener « à un discours, à une équation, à une formule, à une image, à un mythe ». Braudel avait intitulé l’un de ses grands livres l’Identité de la France, cette expression recouvrant pour lui non une définition dont les termes seraient à jamais fixés, mais « le résultat vivant de ce que l’interminable passé a déposé patiemment par couches successives ». Il précisait : « Une nation ne peut être qu’au prix de se chercher elle-même sans fin. »

La France, chargée mais non lestée de son passé, reste en effet une construction, une projection, qui peut prendre un bon comme un mauvais tour. C’est pourquoi, dans cette lutte des représentations, affirmer « la France qu’on aime » n’est pas anodin. Celle où nous avons envie de vivre et qui est riche de promesses. Cette France-là est avant tout ouverte sur le monde. Elle est plurielle, inventive, mais aussi contemplative, elle est terre d’accueil, combative pour garantir les droits et assurer la justice sociale, en quête de cette idée toujours neuve qu’est le bonheur. Cette France-là « m’a assuré une fréquentation assidue de la beauté », dit Patrick Chamoiseau dans les pages qui suivent, écrivain dont l’œuvre magnifique encense et renouvelle la langue française. Patrick Chamoiseau a accepté d’être notre grand témoin pour ce dossier, sa présence ici a évidemment pour nous une forte valeur symbolique.

Cette « France qu’on aime », avec les femmes et les hommes qui la composent, nés ici ou ailleurs, nous l’avons établie de manière totalement subjective. Nous nous sommes seulement efforcés de rencontrer ceux qui la peuplent dans les domaines les plus divers possibles, où ils œuvrent avec l’exigence d’un réel vivre-ensemble : le sport, la cuisine, le monde associatif, les médias, les biens communs, la culture, et même les start-up. Nous en avons examiné les bases historiques avec Sophie Wahnich et avons recueilli le témoignage de l’historienne américaine Joan Scott, spécialiste des questions de genre, qui parle ici de sa relation personnelle avec notre pays.
Cette « France qu’on aime » est évidemment une France en partage : nous espérons que nos lecteurs s’y retrouveront également et qu’ils auront à cœur de l’habiter avec nous.

Temps de lecture : 3 minutes
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