COP 21 : La Commission européenne a choisi son camp

Selon Corporate Europe Observatory, une note de la Commission européenne montre qu’elle refuse que le futur accord climatique impose des limites au commerce.

Thierry Brun  • 10 décembre 2015
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Illustration - COP 21 : La Commission européenne a choisi son camp
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Un document interne de la Commission européenne rendu public par l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), le 4 décembre, révèle les instructions données par Bruxelles à ses négociateurs de refuser que le futur accord climatique puisse imposer des limites au commerce.

{: class= »spip-document text-left »} Il s’agit d’une note présentée par la direction générale « Action pour le climat » de la Commission adressée au comité de la politique commerciale du Conseil, le 20 novembre dernier, c’est-à-dire en amont de la COP21. La position de l’Union européenne (UE) apparaît clairement : « Aucune mention du commerce ne doit figurer dans tout accord sur le changement climatique. Et l’UE est contre « toute mention explicite du commerce », toute mention des droits de propriété intellectuelle, et elle promet que l’UE minimisera « les discussions sur les questions liées au commerce »» , indique le CEO.

La note décrit la stratégie de l’UE et détaille les résultats souhaités dans le cadre de l’accord de Paris, qui sur bien des points devraient protéger les accords de libre échange commerciaux en cours de négociation ou déjà conclus , notamment le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, TTIP en anglais) entre les Etats-Unis et l’UE et l’Accord économique et commercial global (AECG, CETA en anglais) entre le Canada et l’UE, qui visent à faciliter l’importation par l’UE de gaz de schiste et de sables bitumineux.

« La politique commerciale développée par l’Union européenne et ses partenaires pose pourtant un certain nombre de défis de nature à aggraver le changement climatique. L’objectif même des accords commerciaux d’augmentation de la production et des échanges internationaux est propre à générer mécaniquement une hausse des émissions de CO2. Et la nature des biens et services échangés et leur impact sur le climat ne sont pas questionnés » , écrit Mathilde Dupré, chargée de campagne pour l’Institut Veblen, dont nous reprenons l’analyse .

« Ainsi dans le projet d’accord transatlantique (TTIP), le premier secteur qui pourrait bénéficier de l’accord serait celui de la construction automobile. Par ailleurs, le TTIP et l’accord avec le Canada visent aussi à faciliter l’importation par l’UE de gaz de schiste et de sables bitumineux, sans égard pour les conséquences environnementales de ces deux ressources fossiles particulièrement nocives et laissant craindre une augmentation de leur exploitation »

« En marge des négociations commerciales, plusieurs mesures européennes ont déjà été profondément modifiées sous la pression américaine et canadienne. La directive européenne sur la qualité des carburants qui visait à réduire les émissions liées au transport et projetait de pénaliser les sables bitumineux, beaucoup plus polluants en a notamment fait les frais. Mais ce n’est pas tout, les multinationales des secteurs aérien, automobile et extractif ont identifié toute une série de régulations environnementales présentées comme des « barrières au commerce » qu’elles souhaiteraient pouvoir démanteler via ces négociations. »

Défendre les profits futurs

« L’annexe sur les services énergétiques de l’accord sur le commerce des services (ACS, TISA en anglais) en cours de négociation entre une cinquantaine d’États, publiée par Wikileaks, prévoit quant à elle, d’obliger les gouvernements à accepter le principe de « neutralité technologique ». Si cette idée était adoptée, elle remettrait gravement en cause toutes les initiatives de transition écologique visant à désinvestir des énergies fossiles et réorienter les subventions publiques vers les énergies renouvelables » , poursuit Mathilde Dupré.

« Consciente que ces problèmes pourraient être abordés dans le cadre des négociations climatiques avec des mesures à la clé pour y remédier, la Commission demande à ses négociateurs de réduire au maximum toutes les discussions liées au commerce et de refuser toute mention explicite du commerce dans les décisions de la COP. Pour l’instant la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) indique seulement que les mesures de lutte contre le changement climatique, y compris les mesures nationales, ne doivent pas servir de mesures déguisées pour restreindre le libre échange. Les organisations de la société civile demandent d’inverser désormais la logique pour s’assurer que les actions menées dans le but de préserver le climat s’imposent en cas de conflit avec les objectifs de promotion du commerce . »

« C’est niet pour Bruxelles qui demande à ses négociateurs de s’opposer à « toute nouvelle disposition qui irait au-delà” de l’existant et poserait des restrictions au commerce dans le cadre des politiques environnementales, comme à « la création de liens formels entre la CCNUCC et l’OMC » ou « le lancement d’un programme de travail sur les mesures commerciales »» , relève Mathilde Dupré.

Ces instructions vont aussi à l’encontre de la résolution adoptée par le parlement européen le 14 octobre dernier dans laquelle il demandait que l’ensemble des mesures adoptées à Paris soient exclues explicitement du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (Investor-State Dispute Settlement, ISDS en anglais).

Crédit photo : CITIZENSIDE/ANTHONY DEPERRAZ / citizenside.com
Temps de lecture : 4 minutes
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