Des alternatives à volonté !

Mobilisées autour de thèmes forts et de propositions concrètes, les associations espèrent attirer un public diversifié tout au long de la COP 21 pour peser dans le débat.

Sasha Mitchell  • 2 décembre 2015 abonné·es
Des alternatives à volonté !
© Photo : Des eaux polluées de la mine de Samarco ont dévasté Bento Rodrigues (Brésil) après la rupture d’un barrage, le 5 novembre. MAGNO/AFP

En marge des négociations officielles, le sommet pour le climat promet d’être un formidable espace d’échanges et de débats pour pointer du doigt les problèmes et proposer des solutions. Tout en accentuant la pression sur les chefs d’État afin d’éviter que Paris 2015 ne ressemble à la 15e conférence des parties de Copenhague, en 2009. Pendant toute la durée de la COP 21, la société civile va ainsi se retrouver à Paris et en Seine-Saint-Denis autour de thèmes et d’axes de travail bien définis. En premier lieu, et alors que les experts s’alarment d’une sixième extinction des espèces en cours, la protection de la nature et de la biodiversité sera au centre des préoccupations. Comme le rappelle la coulée de boue toxique survenue à la suite de l’effondrement de deux barrages le 5 novembre dans l’État du Minas Gerais, au Brésil, la question de la reconnaissance des crimes climatiques est plus que jamais d’actualité. « L’idée est de démontrer le caractère systémique des crimes climatiques, des “écocides”, explique Maxime Combes, économiste, membre d’Attac et participant au Tribunal international des droits de la nature qui se tiendra les 4 et 5 décembre à la Maison des métallos, à Paris. Il s’agit de voir de quelle façon une série de politiques et de décisions prises par certaines multinationales sont contraires aux droits de la nature. Le but est d’essayer de faire reconnaître un crime contre la nature de la même manière qu’un crime contre l’humanité et d’introduire dans les droits nationaux et internationaux la protection de la nature, pour qu’elle ait le même poids, voire davantage que le droit commercial. »

En filigrane, on retrouve la nécessité de repenser entièrement notre rapport à l’écosystème, en inscrivant par exemple la protection de la nature dans la Constitution, comme c’est le cas en Équateur depuis 2008 – bien que le gouvernement de Rafael Correa peine parfois à respecter ses propres engagements en la matière. En proposant aussi des alternatives aux énergies fossiles, « possibles à court terme », selon Maxime Combes, ainsi qu’à une agriculture intensive aux conséquences dévastatrices pour l’environnement. Le marché paysan organisé dans le cadre du Sommet citoyen pour le climat à Montreuil, les 5 et 6 décembre, mettra d’ailleurs l’accent sur les bienfaits d’une agriculture relocalisée pour « refroidir la planète ». « Le partage de la terre et la répartition des volumes de production sont essentiels, argumente Annie Sic, secrétaire nationale de la Confédération paysanne. Il faut privilégier les petites fermes, pour qu’elles soient utilisées de manière raisonnable, mais aussi limiter les dépenses en énergies fossiles et préserver les surfaces naturelles. »

Au Village mondial des alternatives, « pilier du Sommet citoyen », onze thématiques seront abordées, de la consommation responsable à l’économie soutenable en passant par l’habitat durable et les questions liées à l’eau. Pas question de donner des réponses toutes faites, soutient-on, l’idée étant de créer un échange avec les visiteurs. Entre 10 000 et 15 000 personnes sont attendues chaque jour pour « se réapproprier le pouvoir citoyen, permettre la convergence des luttes » et tendre vers une société plus «   juste, solidaire et conviviale ». De quoi renforcer la cohérence politique du travail des associations, et s’inscrire dans la droite ligne du succès de la centaine de villages des alternatives organisés par Alternatiba en France ces derniers mois. « Copenhague nous a démontré l’inaction des décideurs, affirme Emma Penta, membre d’Alternatiba et de la coordination générale du Village mondial des alternatives. Cela signifie qu’il faut prendre le problème dans l’autre sens, par le bas, en montrant que l’on a des alternatives pour construire le rapport de force de manière positive. » Outre la diversité des thèmes abordés et l’affluence escomptée (entre 40 000 et 50 000 personnes de la société civile sur l’ensemble des événements), la composition sociale des intervenants et des invités retient l’attention et donne davantage de poids aux propositions et aux revendications. En plus des personnalités, des experts et des associatifs, seront présents à Paris des victimes, ou leurs représentants, de crimes climatiques pour le Tribunal international des droits de la nature, des paysans de la Via Campesina, venus de trente pays, au Climat forum organisé par la Coalition Climat 21, et plus de 250 porteurs d’initiatives étrangers au Village mondial des alternatives. Les associations espèrent également attirer un public qui ne se sent pas forcément concerné par les questions environnementales, avec l’idée « que toute l’humanité est dans le même bateau et qu’il faut ramer ensemble ». « On veut montrer que ces initiatives ne sont pas réservées à deux personnes qui réfléchissent dans leur coin », insiste Maxime Combes. Pour Nils Loret, chargé de programmation à la Coalition Climat 21 (qui regroupe plus de 130 organisations), au-delà de la question du climat, « ces enjeux ont un impact sur la vie des gens, et c’est par la vie des gens et avec eux que l’on doit trouver des solutions » .

Même si les événements organisés durant la COP sont couronnés de succès, les associations le savent, la lutte pour le climat ne pourra s’arrêter au soir du 11 décembre. Surtout si les engagements pris par les chefs d’État réunis au Bourget sont une nouvelle fois insuffisants. Des événements sont d’ores et déjà prévus en 2016, mais la difficulté d’organiser un mouvement pérenne demeure. « Nous sommes en train de discuter du futur de la coalition sous ce format », informe Nils Loret. « Le processus se construit depuis quelques années, mais nous sommes à un tournant, concède Emma Penta. La coordination européenne se réunira à Bordeaux en février prochain pour donner la direction des actions futures d’Alternatiba. » Car une fois les projecteurs détournés de la question climatique, les moyens les plus efficaces de lutte resteront les actions concrètes. Sur le terrain. « C’est en gagnant des batailles, des procès emblématiques que l’on parviendra à faire reconnaître les “écocides”, illustre Maxime Combes. Et vu les événements auxquels nous assistons régulièrement, cela va finir par avancer. »

Écologie
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