Goodyear : Sept ans de violence sociale
Les ex-ouvriers de l’usine d’Amiens se sont battus dans un climat d’une rare hostilité face au géant du pneumatique. Politis révèle le contenu accablant d’un rapport de l’inspection du travail. Récit.
dans l’hebdo N° 1387 Acheter ce numéro

« Management viril », harcèlement moral, épidémie de dépressions… La lutte des salariés de Goodyear est une histoire de violences. La justice française a cru bon d’y ajouter la sienne, le 12 janvier, sous la dictée du procureur de la République, qui était seul à maintenir les poursuites, en condamnant huit syndicalistes à neuf mois de prison ferme pour « séquestration ». Une sévérité inédite dans ce type d’affaires.
« On attendait la relaxe pure et simple. Surtout pas à de la prison ferme », s’étonne encore Reynald Jurek, l’un des huit condamnés, secrétaire du comité d’entreprise de Goodyear. Il est épaulé par sept anciens collègues, trois jours après le jugement. Dans le préfabriqué que la CGT a installé devant l’usine à l’arrêt, ils dressent un bilan humain « désastreux » des années de bagarre et du plan de reclassement encore en cours. Deux ans après la fermeture, les deux tiers des 1 173 -salariés sont sans emploi. « On compte au moins douze décès, dont quatre suicides. Sans parler des cas de divorce », soupire Charles Tientcheu, 1 m 90 de force et de gentillesse. « Chaque mardi et jeudi, on s’installe ici pour recevoir nos anciens collègues, raconte le colosse. On joue un rôle de psychologue, car beaucoup pètent les plombs. »
L’enfer débute en 2007 à l’usine d’Amiens-Nord. Goodyear, nº 3 mondial des fabricants de pneumatiques, voit monter la concurrence asiatique et lorgne les taux de rentabilité de ses deux concurrents, Michelin et Bridgestone. Dans sa course à la « compétitivité », la maison mère, qui commande la filiale française depuis Akron, aux États-Unis, décide d’abandonner la production de pneus pour tracteurs et de supprimer 5 150 emplois dans le monde. Elle soumet alors à ses employés amiénois un plan de compétitivité : en échange du maintien de l’activité, ils doivent consentir à une hausse du temps de travail et à un passage au rythme 4 x 8 (deux matinées, deux après-midi, deux nuits et deux jours de congé). Malgré des primes de 3 000 à 5 000 euros et des augmentations de salaire, les ouvriers refusent cette organisation, connue pour être particulièrement éprouvante. La
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