Le rectorat de Paris snobe le lycée autogéré de Paris

Depuis la rentrée de septembre 2015, l’équipe enseignante du lycée autogéré de Paris a plusieurs fois demandé à rencontrer des responsables du rectorat afin de discuter de leur demande de réattribution du demi-poste d’enseignant supprimé en 2011. En vain.

Pascale Bonnardel  • 18 janvier 2016
Partager :
Le rectorat de Paris snobe le lycée autogéré de Paris
© Photo: DR.

L’équipe enseignante du lycée autogéré de Paris (LAP), situé dans le XVe arrondissement de Paris, a multiplié les démarches depuis la rentrée 2015 pour obtenir la réattribution d’un demi-poste supprimé en 2011 en raison d’une baisse de la dotation horaire globale du lycée. Le nombre d’heures d’enseignement attribuées aux établissements du secondaire est calculé en fonction de leur nombre d’élèves. Or le LAP, ouvert en 1982, sur un projet inspiré de l’École autogérée de Marly et du Lycée expérimental d’Oslo (Norvège), nourri par l’Éducation nouvelle et la pédagogie institutionnelle, ne fonctionne pas comme les autres lycées.

Lire > Au lycée autogéré de Paris : « Le bac, si je veux ! »

Après avoir essuyé un refus du rectorat, qui ne voulait pas rencontrer une délégation comportant une élève, une partie de l’équipe a fini par être reçue en décembre, peu avant les vacances scolaires, sans obtenir toutefois de réponse.

Benjamin, enseignant de sciences physiques, qui occupe le poste à mi-temps contraint par la suppression d’heures en 2011, détaille les raisons pour lesquelles ce demi-poste manque cruellement au bon fonctionnement du LAP.

« Un professeur du lycée autogéré de Paris accepte d’y être présent 25 heures par semaine payées 20 heures. Son emploi du temps inclut des heures matières – c’est-à-dire celles dont l’enseignant est “spécialiste” –, des heures dites “transdisciplinaires” qui bien souvent se font en binôme (citons les heures de “thème” et “thème scientifique” pour les classes de seconde, le “thème TPE” pour les classes de première, etc.), mais aussi des heures consacrées au “projet” (qui permettent de construire un projet sur toute l’année – voire plus parfois) des heures d’“atelier” (des moments appréciables qui permettent d’apprendre ou de transmettre autre chose que sa “matière”) et des heures de gestion (commissions : budget, administration, évaluation, entretien, accueil, etc.). Insister sur ces points est une manière de rappeler combien les dimensions collectives et créatives sont centrales à l’intérieur du projet pédagogique du Lycée autogéré de Paris.

Enseigner à mi-temps est donc complexe et en divergence avec ce fonctionnement, puisque un demi-poste – soit 12 heures hebdomadaires – implique de concentrer son emploi du temps quasiment uniquement sur des activités pédagogiques, en négligeant en partie les moments de gestion et d’organisation du lieu, et la partie projet/activité. De ce fait, l’enseignant qui se retrouve à mi-temps est relativement isolé par rapport au reste de l’équipe, mais aussi en retrait par rapport à ce qui se passe dans les lieux. Les moments de concertation à travers un travail interdisciplinaire ou la présence au lycée – indispensable à son fonctionnement – sont très difficiles à tenir et les deux demi-postes occupés dans deux établissements différents imposent une flexibilité mentale éprouvante.

Enseigner au lycée autogéré de Paris, c’est s’engager à participer à l’émancipation des élèves à travers un suivi personnel qui ne peut être pleinement réalisé lors d’un engagement sur un demi-poste. »

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative
Justice 7 juin 2025

Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative

Après l’expulsion de la Gaîté lyrique en mars, 23 jeunes ont reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une répression vivement dénoncée par le collectif des jeunes du parc de Belleville. Vendredi 6 juin avaient lieu les premières audiences au tribunal administratif.
Par Élise Leclercq
Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis
Enquête 7 juin 2025 abonné·es

Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis

Deux hommes ont été placés en garde à vue après des plaintes du collectif fémonationaliste, venues perturber un meeting organisé contre les OQTF. Dix jours après les faits, les témoins dénoncent la coopération entre les militantes d’extrême droite et la police lors des interpellations.
Par Pauline Migevant
Pride des banlieues : « Il faut des moyens dans la santé, pas dans l’armée »
Entretien 6 juin 2025 abonné·es

Pride des banlieues : « Il faut des moyens dans la santé, pas dans l’armée »

Créée en 2019, la Pride des banlieues aura lieu ce 7 juin à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Cette année, l’événement se mobilise pour la santé des personnes LGBT+ de banlieues. Entretien avec Yanis Khames, l’un des fondateur·ices.
Par Paul Hetté
Femtech : entre promesses féministes et dérives conservatrices
Vidéo 5 juin 2025

Femtech : entre promesses féministes et dérives conservatrices

Dans le monde de la « femtech », les start-ups promettent de créer des technologies « par les femmes, pour les femmes ». Mais derrière les discours progressistes, on trouve aussi des investisseurs ultraconservateurs, des inquiétudes vis-à-vis de la protection des données personnelles, et des logiques de marché bien rodées.
Par Thomas Lefèvre