« Ave, César ! », des frères Coen : La belle société du spectacle

Avec Ave, César !, Ethan et Joel Coen signent une comédie hilarante sur Hollywood dans les années 1950 et réaffirment leur amour du cinéma.

Christophe Kantcheff  • 17 février 2016 abonné·es
« Ave, César ! », des frères Coen : La belle société du spectacle
© Photo : Universal Pictures

Attention ! Ave, César !, le nouveau film d’Ethan et Joel Coen, n’est pas seulement une irrésistible pochade sur la vie à Hollywood dans les années 1950.

Cette chronique des studios dirigés, sinon couvés, par Eddie Mannix (Josh Brolin), qui doit notamment faire face à l’enlèvement de la vedette principale (George Clooney) du péplum en cours de tournage, est certes une comédie hilarante. On assiste par exemple à la métamorphose forcée et laborieuse d’un acteur de western (Alden Ehrenreich), ne prononçant pas trois mots par film, en séducteur aux fines reparties devant la caméra d’un réalisateur exigeant (Ralph Fiennes), scandalisé qu’on ait pu lui imposer un tel rustre. Ou aux efforts de Mannix pour échapper à deux journalistes spécialisées dans les anecdotes trash, des sœurs jumelles qui se détestent, interprétées par la géniale Tilda Swinton. Ou encore à la tentative de changement d’image d’une sirène de ballets nautiques (Scarlett Johansson), dont la vie privée trop chaotique risque de ruiner sa carrière. Mais il n’est certainement pas dans l’intention des frères de tourner en dérision cet univers d’illusions. D’abord parce qu’Ave, César ! porte une véritable déclaration d’amour au cinéma, en particulier à celui qui se faisait dans la période classique, mais aussi à toutes ses formes.

C’est avec un plaisir non dissimulé qu’Ethan et Joel Coen ont inclus de longs extraits, qu’ils ont bien sûr eux-mêmes réalisés, des films que produisent les studios sous la responsabilité de Mannix. Les cinéastes ont pu ainsi s’adonner à plusieurs genres, le péplum ou la danse aquatique, et mettre au point une séquence entière de comédie musicale avec, comme il se doit, des marins en transit. Le tout étant très convaincant.

Mais il y a plus. Si l’action se déroule quasi intégralement dans l’enceinte des immenses studios, quelques nouvelles du monde y pointent leur nez. Sous la forme, par exemple, d’une photographie montrée à Mannix par un cadre de l’avionneur Lockheed, qui cherche en vain à le débaucher : il s’agit du premier essai d’explosion nucléaire. Ou bien c’est, de façon drolatique, une émanation de la guerre froide qui surgit en la présence d’étranges communistes kidnappeurs. L’extérieur est inquiétant et n’offre que des perspectives de conflit ou de destruction. Alors que la grande machine du cinéma trouve ses résolutions et fonctionne inexorablement. Comme si ce territoire-là, nous suggèrent les frères Coen, était bien plus habitable…

Cinéma
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