Les barrages menacent le bassin de l’Amazone

Une étude scientifique publiée aux Etats-Unis, dresse l’inventaire des dommages écologiques et humains engendrés par la multiplication actuelle et à venir des grands barrages

Claude-Marie Vadrot  • 23 mars 2016
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Les barrages menacent le bassin de l’Amazone
Coucher de soleil sur la forêt amazonienne le long du Rio Negro.
© AFP PHOTO / Christophe SIMON.

Pour en savoir plus sur cette longue étude publiée en anglais: www.springer.com, numéro 25 de mars 2016
Le mensuel scientifique américain d’audience internationale, Biodiversity and Conservation, vient de publier une longue étude tendant à démontrer que la poursuite de la construction de barrages dans le bassin amazonien aura des effets néfastes sur les écosystèmes fragiles de la région et donc sur de nombreuses espèces.

L’équipe pluridisciplinaire qui a réalisé l’étude pour ce magazine de référence a répertorié 191 barrages en service représentant souvent une menace environnementale délibérément ignorée par les pays, essentiellement le Brésil, dont le territoire englobe une part plus ou moins importante de ce qui reste de la forêt amazonienne. Ces scientifiques soulignent par exemple que le barrage de Belon Monte, en construction sur la rivière Xingu, représente à lui seul une grande menace avec sa puissance nominale supérieure à 11 000 mégawatts. D’autant plus, ajoutent-ils, qu’il va faciliter, comme la plupart des barrages existant, la colonisation et la destruction de la région en entraînant un double appel d’air : l’installation de gigantesques exploitations agricoles et les activités des grandes compagnies minières.

Le responsable de l’étude, Alexander Lees, chercheur à l’université américaine de Cornell, dans le nord-est des États Unis expliqué en présentant le travail mené avec ses collègues :

Il y a de nombreux spécialistes et ingénieurs qui s’occupent de la préparation de chaque barrage, mais il n’existe pratiquement aucune étude ni recherche portant sur leurs conséquences. Nous n’en avons trouvé qu’une douzaine et elles sont très succinctes. Elles négligent une réalité : l’Amazonie n’est pas une région homogène, c’est en fait une sorte d’archipel dont les différentes îles sont séparés par de grands cours d’eau.

Les conclusions de ces chercheurs sur l’ampleur des dégâts existants et à venir portent sur trois points.

D’abord comme les écosystèmes touchés sont tous très différents, ils abritent chacun des biotopes différents et des espèces, végétales ou animales, qui ne sont nulle part les mêmes et mériteraient des études scientifiques particulières, surtout pour celles qui vivent dans les milieux aquatiques particulièrement touchés par les modifications.

Ensuite, non seulement les milieux aquatiques sont perturbés de façon irrémédiable, mais les espèces volantes, les oiseaux et les nombreuses chauves-souris, sont en danger de disparition dans les zones humides. Dans la mesure où, comme les insectes et la plupart des animaux, ils dépendent essentiellement des milieux aquatiques et de la végétation qui en profite.

Enfin, expliquent les chercheurs, la multiplication des barrages entraînera de graves conséquences pour les habitants et les communautés indiennes qui ne réussissent pas à s’y opposer. Ils citent en exemple les menaces qui pèsent, dans l’État de Para, sur la ville et la région d’Altamira qui se trouvent proches du barrage en construction de Belo Monte : « Imaginez, précise Alexander Lees, ce qui va se passer dans cette petite ville d’Altamira condamnée à devenir une véritable mégapole sans le moindre plan d’urbanisme, qu’il s’agisse des problèmes sociaux, de l’occupation des sols, de la spéculation immobilière, de l’augmentation des prix ou de la criminalité ».

Pour justifier leurs inquiétudes à propos des dégâts humains et d’un recul inévitable de la biodiversité qui se traduira par la disparition de nombreuses espèces, les chercheurs expliquent dans leur rapport, qu’après enquête, ils ont répertorié 250 projets de barrages dans le bassin amazonien pour les dix prochaines années…

Écologie Monde
Temps de lecture : 3 minutes
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