Les Ogres : Un air de famille

Les Ogres, deuxième film de Léa Fehner, met en scène une troupe de théâtre itinérant en tournée, entre psychodrames et représentations.

Christophe Kantcheff  • 16 mars 2016 abonné·es
Les Ogres : Un air de famille
© **Les Ogres**, Léa Fehner, 2 h 24. Photo : DR

Les Ogres : voilà un titre qui ne promet pas de demi-mesure. Après Qu’un seul tienne et les autres suivront, le deuxième film de Léa Fehner met en scène la vie d’une troupe de théâtre itinérant. Une existence que la cinéaste a connue de près puisque ses parents sont les fondateurs d’une compagnie du même type. Elle nous fait donc entrer dans le quotidien d’une équipe d’acteurs vivant sur les routes – avec femmes, hommes et enfants – au cours d’une tournée dans le Sud de la France, jouant un Tchekhov à sa manière, musicale et enlevée, qui est aussi celle du film.

Les intentions de Léa Fehner sont claires, qui prennent corps à l’écran. Par exemple, l’impression de mouvement et plus encore d’énergie. La troupe que dirige François, un sexagénaire à l’autorité indispensable et parfois abusive, fait feu de tout bois, sur le plateau comme en dehors. La mise en scène et la caméra à l’épaule montrent l’exubérance d’un collectif qui tient avant tout par la nécessité d’assurer chaque soir le spectacle mais qui est constitué d’individus singuliers, dont les relations sont parfois explosives.

On ressent cette volonté, presque trop démonstrative parfois, d’afficher l’élan vitaliste engendré par la vie de troupe et le théâtre pour contrebalancer les difficultés, voire les désespoirs, des uns et des autres. C’est, par exemple, la mort de son jeune fils quelques années auparavant qui rend M. Déloyal (Marc Barbé) cynique et prêt à toutes les incartades. Il attend un enfant de Mona (Adèle Haenel), et l’approche de ce nouvel arrivant l’angoisse. C’est aussi l’intégration dans la troupe de Lola (Lola Dueñas), une ancienne maîtresse de François, qui rend la femme de celui-ci, Inès, terriblement jalouse. Inès et François sont interprétés par les propres parents de Léa Fehner, Inès et François Fehner, ce qui leur a sans doute permis une immersion rapide. Ils sont d’une vérité bluffante, à l’instar des autres comédiens, qui comptent aussi la sœur de la cinéaste, Marion Bouvarel.

Les Ogres est à tous égards une épopée familiale, où l’on se donne autant de coups que de preuves d’amour. Le film déploie un dynamisme incontestable et parvient, le temps de la projection, à transmettre une part de son optimisme. Sa limite est de ne jamais regarder en dehors du cercle une fois pour toutes établi. Le monde n’est qu’un décor dans lequel la troupe évolue. Il ne fait jamais intrusion, ou alors de façon anecdotique, dans cet univers de rires et de larmes, de psychodrames et de représentations. Comme si ces Ogres, qui ont certes beaucoup d’appétit, se nourrissaient à peu près toujours des mêmes aliments, et ce durant 2 h 24 : leurs histoires de famille…

Cinéma
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