Niels Arestrup et les présidents

L’interprète du président Francis Laugier dans « Baron noir » se révèle être un brillant analyste des politiques et de leur image.

Christophe Kantcheff  • 16 mars 2016
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Niels Arestrup et les présidents
© Photo : CLEMENS BILAN / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP

Niels Arestrup excelle dans Baron noir, où il démontre une nouvelle fois qu’il est un des très grands comédiens d’aujourd’hui. En revanche, on ne lui connaissait pas un autre talent, qu’il met en œuvre dans le numéro de mars du magazine Sofilm, auquel il a accordé une interview. L’interprète du président Francis Laugier se révèle être un brillant analyste des politiques et de leur image. Il parle d’expérience, me dira-t-on, lui qui sait jauger une performance d’acteur et la capacité à s’insinuer dans la peau d’un personnage. Certes. Mais ils sont rares les comédiens à accepter un véritable entretien politique. Sans dévoiler ses propres convictions, Niels Arestrup n’hésite pas à établir une hiérarchie entre ceux qui donnent le sentiment de croire à ce qu’ils disent et les autres.

Ainsi, passant en revue les différents présidents de la Ve République, il estime De Gaulle « totalement incarné […] et sans doute assez fou pour s’identifier à la France ». Quant à Mitterrand, « le maître absolu de la composition », il le voit « victime de l’ivresse des cimes » : « Il en faisait trop au niveau de l’impérialité de sa présence, cette distance des choses et des événements. »

Si Niels Arestrup a des préventions vis-à-vis des politiques, s’il en offre une vision aiguë et désenchantée (mais non cynique), il évite les jugements de procureur et prend en compte les conditions dans lesquelles ils exercent leur activité. Pointant avec justesse la montée des communicants à partir du septennat de Giscard d’Estaing (« ses repas avec les Français faisaient rire énormément »), il constate la soumission de plus en plus grande aux exigences du divertissement et l’influence d’une certaine dérision médiatique (l’effet « Guignols », qui ont notamment favorisé le profil d’un Chirac « sympa »).

Et Hollande ? « Juste avec son sourire niais et la pluie sur les lunettes, il s’est constitué une image populaire de Droopy qui lui colle définitivement aux pattes […]_. Il y a quelque chose qui s’est cassé, au-delà de la politique réelle. »_ Politique réelle qui n’est pas terrible non plus, rappelons-le. À entendre Niels Arestrup, l’ennemi de Hollande ne serait donc pas la finance (sic), mais lui-même. Parole de connaisseur, et peut-être annonciatrice d’une surprise que nous réserve l’année préélectorale. Une surprise du genre : « You know what ? I’m not candidate… »

Culture
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