Nuit debout : une irrésistible envie d’agir
Des citoyens ont gagné les places publiques pour prolonger et élargir le mouvement de protestation contre la loi travail, avec l’espoir d’en écrire une page inédite.
dans l’hebdo N° 1398 Acheter ce numéro

La dalle détrempée de la place de la République, à Paris, se noircit doucement, jeudi 31 mars en début de soirée. Un groupe se forme autour d’un mégaphone, en rangs serrés sous une bâche qui prend l’eau. Sans attendre 18 heures, comme si leur soif de parole n’était plus répréhensible, une centaine de personnes lancent un premier débat. « On est capable de le faire sur Internet, on peut le faire dans la rue ! », lance un jeune homme depuis l’extérieur du cercle, pour encourager les premiers intervenants. Quelques minutes plus tard, une sono de meilleure portée fait éclore une assemblée plus massive. Les regards sont graves. L’écoute attentive. Comme s’ils bravaient un interdit.
À l’origine de cette scène peu commune, observable dans 22 villes en France, il y a une initiative de l’équipe du journal Fakir et du film Merci patron !, qui convoquait le 23 février une réunion pour « la convergence des luttes » à la Bourse du travail de Paris sur le thème : « Comment leur faire peur ? ». Le millier de syndicalistes, de lycéens, d’étudiants, d’intermittents et de précaires présents ce soir-là se choisissent un mot d’ordre pour le 31 mars : « On ne rentre pas chez nous. » L’idée d’une occupation des places publiques germait dans bien des esprits. Depuis cinq ans, c’est