Sahara occidental : À quand le respect du droit international ?

Depuis 24 ans, le Maroc s’oppose par de multiples tergiversations et corruptions à l’organisation d’un référendum d’autodétermination dans cette colonie. Avec le soutien de la France.

Michèle Decaster  • 1 avril 2016
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Sahara occidental : À quand le respect du droit international ?
© Manifestation de défense des droits de l'Homme au Sahara occidental à paris, avril 2015 (CITIZENSIDE/JALLAL SEDDIKI / CITIZENSIDE.COM)

Considérant que « tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l’exercice de leur souveraineté et à l’intégrité de leur territoire national », l’assemblée générale des Nations unies adoptait 10 décembre 1960, sa résolution historique sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux et proclamait « solennellement la nécessité de mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations ».

Michèle Decaster est Secrétaire générale de l’Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique.

En 1973 les Sahraouis prennent les armes pour chasser la dictature franquiste, sourde à leur aspiration de liberté. Novembre 1975 : l’Espagne cède sa colonie au dictateur Hassan II qui envahit militairement le Sahara occidental, alors que la Cour internationale de justice confirme le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. L’ONU demande sans succès le retrait des Forces armées royales ; la guerre continue, 160 000 sahraouis fuient les bombardements et s’exilent en Algérie qui les accueille depuis 40 ans !

Il fallu 16 ans pour qu’Hassan II se résigne à signer un plan de paix stipulant que « le peuple du Sahara occidental choisira, librement et démocratiquement, entre l’indépendance et l’intégration au Maroc » dans un référendum prévu au plus tard en février 1992. Après 24 ans de cessez-le-feu, le Maroc s’oppose toujours à sa mise en œuvre par de multiples tergiversations et corruptions comme le dénonce l’américain Franck Rudy, ancien responsable de la commission d’identification des votants, dans le film « Les enfants des nuages ».

Hassan II puis Mohamed VI se sont alliés un large éventail de la classe politique française, de la droite la plus extrême à une gauche qui ne s’est pas remise de ses faiblesses colonialistes. Notre pays, après avoir fourni des armes au colonisateur, s’oppose à ce que la seule mission de l’ONU en zone de conflit soit dotée d’un volet de surveillance des droits de l’Homme, malgré les appels des organisations internationales, les résolutions de l’Union africaine et du Parlement européen, et des anciens envoyés spéciaux de l’ONU Franck Rudy et Peter Van Walsum. D’où l’omerta médiatique sur la répression qui sévit sur les manifestations pacifiques quotidiennes depuis mai 2005 et le soulèvement populaire de l’automne 2010 pour lequel vingt-deux militants ont été condamnés en 2013 par le Tribunal militaire de Rabat à des peines de prison allant de 20 ans à la perpétuité. Ils sont depuis le 1er mars en grève de la faim illimitée pour exiger leur libération alors que leur pourvoi en cassation n’est toujours pas examiné.

Un rappel à la loi salutaire

Le droit international interdit l’exploitation des richesses naturelles des territoires non autonomes qui ne profitent pas à leurs populations. C’est la raison pour laquelle la Cour européenne de justice a annulé l’accord commercial sur les produits agricoles et de la pêche entre le Maroc et l’Europe du fait qu’il incluait le Sahara occidental. D’où la colère du roi qui défend ses propres intérêts d’homme d’affaires et ceux de ses généraux qu’il préfère occupés loin du Palais.

Ni sortie, ni entrée « indésirable » depuis le printemps 2014

Les défenseurs sahraouis des droits de l’Homme qui ont un emploi se voient refuser leur demande de congé pour se rendre à l’étranger. 139 étrangers, observateurs, journalistes, cinéastes ont été expulsés ou empêchés d’entrer au Sahara occidental occupé, dont 67 depuis janvier 2016. Ils venaient de 14 pays d’Europe, d’Amérique du nord et d’Afrique. Plus question de témoigner de la parodie de justice des tribunaux marocains ni des violations graves des droits de l’homme. Même le secrétaire général de l’ONU, n’a pu s’y rendre lors de sa récente tournée dans la région. Motif : Sa Majesté n’était pas présente au Maroc. Sa visite est reportée à l’été, soit après que le Conseil de sécurité aura statué sur le renouvellement du mandat de la MINURSO. Tous ces exemples ne suscitent aucune émotion à l’Élysée ni au Quai d’Orsay, qui ne craignent pas de soutenir la position marocaine de n’offrir qu’une seule alternative lors du référendum : l’autonomie dans le cadre de « l’intégrité territoriale du Maroc ».

Le danger du ni guerre ni paix

Alors que la région est menacée par le chaos installé suite à l’intervention impérialiste en Libye, il est devenu urgent de régler le dernier conflit armé de décolonisation en Afrique. Le peuple sahraoui a cru en la parole donnée, mais sa jeunesse s’impatiente et refuse la perspective d’une vie d’exil ou d’oppression coloniale, elle réclame avec de plus en plus d’insistance que le Front polisario reprenne les armes.

Le régime marocain au service des affairistes internationaux nourrit les frustrations des jeunes générations marocaines et sahraouies. C’est ensemble que ces deux peuples doivent trouver une issue politique à une situation qui fait perdurer un régime prédateur et corrompu. Solution qui passe par un référendum d’autodétermination maintenant et l’instauration de la démocratie au Maroc.

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