À l’écart de certaines chorales

Jean-Luc Mélenchon n’ignore pas que nous sommes plongés dans une permanente « crise xénophobe ».

Sébastien Fontenelle  • 18 mai 2016 abonné·es

Interviewé par un journaliste du Journal du dimanche qui lui demandait s’il pensait « être en situation d’être en tête à gauche en 2017 », Jean-Luc Mélenchon, also known as JLM, a fait cette réponse, que je cite un peu longuement : « Bien sûr, nous sommes toujours à la merci d’une nouvelle crise xénophobe qui pourrait tout brouiller. Mais la lutte contre la loi El Khomri montre le rapport entre la question sociale et la question institutionnelle. Cela crée un environnement qui correspond à ma ligne politique : le partage des richesses et une VIe République avec la refondation des institutions. »

Ce que lisant, j’ai ri.

Car JLM, qui est un expérimenté politicien en même temps qu’un observateur affûté de son époque, ne peut pas ne pas avoir noté que, dans la vraie vie, nous sommes, d’assez longue date déjà, plongé(e) s jusqu’à la racine des veuches dans une permanente « crise xénophobe » – qui n’a donc (vraiment) plus rien de nouveau. Et que celle-ci se manifeste principalement par l’application (très) obstinée que mettent certain(e)s publicistes défiltré(e)s, type Éric Zemmour, à exciter dans l’opinion une constante hargne antimusulmane.

Pourquoi est-ce intéressant ? Parce que cette propagande est en général présentée par celles et ceux qui la trompettent comme une légitime défense de « la laïcité ». Et parce qu’il ne messiérait point – disons-le un peu abruptement – qu’avant d’exprimer sa (très compréhensible) peur que la xénophobie ne s’impose en trame dans la toile de fond de la prochaine élection présidentielle (comme de tant de précédentes consultations votatives), Jean-Luc Mélenchon, qui fut il y a quelques années l’auteur d’une poignante plaidoirie d’où ressortait qu’Éric Zemmour, embossé dans ses divagations altérophobes, n’était « pas raciste », devrait peut-être se mettre, sur ces questions, complètement au clair.

Car, s’il a bien sûr été, dans ces matières, en 2012 et en mainte occasion depuis lors, généralement irréprochable (ne me fais pas dire ce que je ne dis pas), il éprouve encore, semble-t-il, de la difficulté à ne pas se draper régulièrement dans une toge de défenseur outragé d’une laïcité dont il suggère donc, à l’unisson des propagandistes précité(e)s, qu’elle serait réellement menacée – mais par qui, et par quoi ?

Dans un moment où Manuel Valls nous prévient roidement – en déplorant selon son inclination et sa manière droitières que « la gauche, trop souvent, [n’ait] apporté de réponses qu’économiques et sociales » que les débats publics de l’année à venir seront encore une fois essentiellement identitaires, on gagnerait sans doute, camarade Mélenchon, à ce que tu fasses encore le tout petit effort qui te ferait tourner 77 fois ta langue dans ta bouche, aux moments où tu t’apprêtes à apostropher de jeunes musulmans pour leur reprocher de se « déguiser en Afghans ».

Non pour brider tes convictions – mais parce qu’en de certaines périodes, il n’est pas forcément dégradant de se tenir très à l’écart de certaines chorales.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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