Harmony of the seas: quand la croisière s’amuse, le gros bateau pollue énormément

Plusieurs associations environnementales se sont intéressées aux gros navires de croisière et dénoncent les pollutions effarantes engendrées par ces gigantesques hôtels flottants qui exploitent leurs personnels.

Claude-Marie Vadrot  • 24 mai 2016
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Harmony of the seas: quand la croisière s’amuse, le gros bateau pollue énormément
Photo : JOHN MACDOUGALL / AFP.

Toute la France, ou presque, a célébré la construction et surtout le départ de Saint-Nazaire du nouveau paquebot géant des océans, l’Harmonie des mers (Harmony of the Seas). Près de 7.000 passagers et 2.100 membres d’équipage. Lesquels, sauf quelques officiers de pont, sont recrutés dans les pays du sud ou de l’est, taillables et corvéables à merci ; payés des queues de cerises pour donner aux passagers l’impression que, eux, ils sont riches… Tout en leur faisant oublier qu’ils sont en mer sur un hôtel flottant de 362 mètres de long et 47 mètres de large. De quoi accueillir deux ou trois piscines, deux murs d’escalade et une multitude de restaurants où les clients gavés gaspillent la nourriture.

Mais ce que les laudateurs français de cet « exploit » se gardent de préciser et ce que les passagers sont censés ignorer, c’est que la pollution engendrée par cette ville flottante est aussi énorme que l’engin. Tout simplement parce que ses quatre gigantesques moteurs consomment 5.300 litres de gazole à l’heure… si la mer est calme. Soit, chaque 24 heures, au minimum 127.000 litres d’un carburant de très basse qualité et « riche » en soufre. A cette consommation qui ne reflète que les chiffres officiels de la compagnie, il faut ajouter les milliers de litres nécessaires tous les jours pour alimenter le « navire » (si on peut utiliser ce mot) en électricité…

Un fuel gorgé de soufre

Donc, ce paquebot de la Royal Caribbean générera une importante pollution dont profiteront l’air de la mer et aussi les villes et ports qu’il fréquentera assidûment pour y déverser ses passagers dans quelques centaines d’autobus chargés de les mener vers les boutiques pour touristes. Il contribuera comme les autres, par exemple, à menacer les palais déjà branlants de Venise.

Au moment où ce navire quitte la Grande Bretagne pour sa première croisière, des associations environnementalistes d’Allemagne, de Belgique et de Grande-Bretagne ont calculé, grâce à des mesures portant sur des bateaux pourtant moins importants, que chaque jour, le nouveau géant émettra une pollution acide équivalent à la circulation quotidienne de 5 millions de voitures parcourant la même distance. Avec du soufre, environ 5 tonnes de particules fines par jour et également 5 tonnes de NO2, autrement dit de dioxyde d’azote. Réalité qui n’a guère inspiré la COP 21.

Pollution de millions de bagnoles

Bill Hemmings, l’un des experts maritimes de l’association internationale « Transport et Environnement », qui était d’ailleurs présente à la COP 21, affirme que, rien qu’en Europe, les pollutions engendrées par le transport maritime entraînent 50.000 décès prématuré par an. Les paquebots portent une lourde responsabilité dans ces pollutions car ils ne disposent pas des filtres qui sont obligatoires sur les bateaux et ferries transportant habituellement des passagers et des voitures. A tout cela, il faut évidemment ajouter qu’en pleine mer, en zone internationale, là où n’existe aucune réglementation, ces immenses bateaux rejettent fréquemment dans la mer leurs merdes (stricto sensus) et une partie des tonnes de déchets quotidiens, y compris le plastique. Ce qui allège le navire et permet d’économiser une partie des frais entraînés par le débarquement des déchets. Et tant pis pour les poissons et les mammifères marins.

Déchets à la mer

Les compagnies de croisières entretiennent une belle image, une image de tourisme propre et respectueux de l’environnement. Mais la vérité est exactement le contraire. Ils se débarrassent n’importe où de leurs déchets, Ils polluent autant que des millions de voitures et le gazole qu’ils utilisent peut contenir jusqu’à 3.500 fois plus de soufre que celui qui sert aux voitures.

Daniel Rieger, un responsable du groupe environnemental allemand Nabu, explique :

La tendance ne va pas s’inverser car ce tourisme de faux luxe et de masse devrait atteindre 24 millions de passagers en 2016 contre 15 millions en 2006. Bien que l’on puisse se demander, mais la question reste tabou dans le milieu et chez les constructeurs, ce qui se passera le jour où l’un de ses hôtels flottants fera naufrage dans l’une des grosses tempêtes que nous promet le dérèglement climatique.

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