« Une ambiance très années 1930 »

De belles et hautes âmes vont brandissant l’épouvantail d’une menace « islamo-gauchiste ».

Sébastien Fontenelle  • 25 mai 2016 abonné·es
« Une ambiance très années 1930 »
© Photos: MIGUEL MEDINA / AFP & PHILIPPE DESMAZES / AFP

Des manifestant(e)s, qui les avaient peut-être confondues [^1] avec des succursales du Medef, ont récemment refait, à grands coups de graffitis, la déco extérieure de plusieurs permanences du Parti « socialiste » [^2].

L’apprenant, le patron de cette formation [^3] – Jean-Christophe Cambadélis – a déclaré, scandalisé : « Il y a une ambiance très années 1930 qui est en train de s’installer dans ce pays. »

Et, pour une fois, cet excellent homme avait absolument raison. Car oui, en effet, redisons-le : il y a, huit décennies plus tard, une ambiance très années 1930 qui est en train de s’installer dans ce pays – et cela se documente très facilement.

Par exemple, dans les années 1930, l’atmosphère était, de fait, infectée par des publicistes « anticonformistes » spécialisés dans la dénonciation d’un imaginaire péril « judéo-bolcheviste ».

On sait ce qu’il est ensuite advenu de cette haine abjecte : elle est devenue un peu lourde à porter après l’extermination systématique de millions de juifs et de communistes par les nazis. Un peu plus directement compromettante qu’aux époques où elle n’avait été « que » verbale.

Mais, depuis quelque temps – et c’est en cela que l’analogie qu’invoque M. Cambadélis est pertinente –, de belles et hautes âmes, sanglées toujours dans le prétexte de l’« anticonformisme » et du bris des « tabous », vont brandissant (tu vas voir que le parallélisme est assez frappant) l’épouvantail d’une menace « islamo-gauchiste », dont la nature exacte n’est, bien évidemment, jamais complètement définie, mais qui a du moins cette rare qualité qu’elle permet, tout comme naguère l’excitation du fanatisme judéophobe, de détourner l’attention du salariat des véritables dangers qui pèsent sur son avenir, quand un gouvernement qui lui a été vendu comme étant de gauche s’apprête par exemple à le dépouiller d’un gros tronçon de ses droits acquis.

Parmi ces tristes agitateurs, qui mettent donc du 1930 dans notre 2016, on trouve principalement une poignée de clercs de médias – comme l’essayiste Pascal Bruckner, qui vient de déclarer, dans les pages du Figaro (où l’on s’est soigneusement gardé de mettre un holà à son délire), que « toute l’ultragauche est fascinée par la puissance éruptive du jihadisme ».

Mais on découvre également quelques rudes politicien(ne) s, comme M. Valls, Premier ministre, qui est lui aussi du parti des « socialistes », et qui, ces jours-ci, comme le souligne, ravie, la presse réactionnaire, « dénonce à son tour l’“islamo-gauchisme” » : ça serait bien que, dans ces moments-là, son camarade Cambadélis le rajeunisse de 80 ans…

[^1] Et comment le leur reprocher, quand plus rien ne les différencie vraiment ?

[^2] Au moment où j’écris ces lignes, je découvre que celle de Grenoble a essuyé des tirs nocturnes. Tout de suite, c’est moins rigolo.

[^3] Que cette créativité semble donc offusquer bien plus que la gigantesque scélératesse de ladite loi.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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