« Contre les fermetures de classes, il faut des actions ! »

Les annonces de fermetures de classes, à la rentrée prochaine, se multiplient. À l’école Maurice Denis, dans le Val-de-Marne, la mobilisation a payé et la fermeture a été annulée. Entretien avec Eric Charles, instituteur dans cette école.

Laure Hanggi  • 29 juin 2016
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« Contre les fermetures de classes, il faut des actions ! »
© Photo : THOMAS SAMSON / AFP.

Dans le Val-de-Marne (94), quatre-vingt huit fermetures de classes ont été annoncées pour la rentrée prochaine. Une classe en moins dans une école est très souvent synonyme d’une hausse des effectifs, certaines pouvant ainsi grimper jusqu’à trente-deux élèves par classe. Une situation intenable pour enseignants et parents d’élèves qui se mobilisent depuis des mois. Au terme d’une lutte sans relâche, six écoles ont réussi à faire annuler des fermetures de classes. C’est le cas de l’école Maurice Denis à Champigny, où enseigne Eric Charles, en maternelle. Après des mois d’une lutte d’une ténacité exemplaire, il reste mobilisé.

Vous avez réussi à faire annuler la fermeture de classe prévue dans votre école. Comment vous êtes-vous organisés pendant tous ces mois de lutte ?

Dès qu’on a appris la fermeture d’une classe dans l’école fin février, on s’est organisé, on a informé les parents et distribué des tracts. Nous avons également mis une pétition en ligne. Les parents ont occupé l’école et ont appelé le ministère et le rectorat. Nous avons aussi mis en place des actions syndicales, comme celle des « 240 chaises vides », ­ un nombre qui correspond à celui des enfants non comptabilisés par l’inspection. Nous avons également initié des Nuits des écoles, où représentants de parents d’élèves, enseignants et élus locaux se réunissent pour protester contre les fermetures de classes. D’autres Nuits sont toujours prévues car, si à Maurice Denis nous avons réussi à obtenir l’annulation de la fermeture d’une classe, trois autres fermetures de classe sont encore prévues à Champigny. On est déjà six écoles du Val-de-Marne à avoir obtenu gain de cause, mais les fermetures sont en fait reportées sur d’autres écoles : là où on gagne, on finit par perdre, car nos victoires impactent la vie d’autres établissements. À Maurice Denis, on ne s’est jamais démobilisé et ça a payé. Ce qui signifie que, pour se faire entendre, le dialogue ne suffit plus, il faut des actions.

Dans le Val­-de­-Marne, quatre-vingt deux fermetures de classes restent prévues à la rentrée. Quelles conséquences va avoir cette nouvelle carte scolaire ?

La hausse des effectifs touche surtout les maternelles à la rentrée. Or, ce sont elles qui sont les plus concernées par les fermetures de classe ! Quelle est la volonté du gouvernement ? Est-ce qu’il entend fermer la maternelle ? On explose ce qu’on appelait avant « les seuils » : pas plus de trente élèves en « zone banale », c’est-à-dire « non-prioritaire ». Mais, dans le vocabulaire du ministère, les « seuils » ont été remplacés par des « repères » au-delà desquels on continue de remplir les classes, et en dessous desquels on les ferme ! Si on avait eu une fermeture de classe dans notre école, on se serait retrouvé avec des effectifs de trente-deux élèves, en maternelle ! Ni les enseignants ni les élèves ne peuvent travailler dans ces conditions. On nous parle pourtant de « bienveillance » en maternelle. Mais quelle bienveillance avec trente-deux élèves ?

Partout en France des classes ferment alors que l’OCDE conseille de plus petits effectifs en classe pour de meilleurs résultats généraux. Comment expliquer cette contradiction ?

Le gouvernement nous a brossé dans le sens du poil en annonçant 60 000 emplois en 2012. Mais combien ont été créés en réalité ? Les effectifs sont toujours plus importants, et certains enfants restent parfois sans avoir classe pendant des semaines, car dans le Val-de- Marne, il y a une véritable pénurie de remplaçants. L’école est saccagée. On nous parle du terrorisme, de la laïcité, ce sont des beaux discours : aucun moyen n’est mis pour que l’école fonctionne normalement. Et ce sont essentiellement des écoles des quartiers populaires qui sont pénalisées. Dans les Hauts-de-Seine, avec une quinzaine d’élèves en moins, ils profitent quand même de créations de poste. Dans le Val-de-Marne, nous aurons mille enfants supplémentaires à la rentrée et quatre-vingt huit postes sont supprimés. On crée des inégalités terribles.

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Temps de lecture : 4 minutes
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