Les brumes électriques d’Heron Oblivion

Quatre musiciens de groupes underground californiens réunis pour un disque envoûtant aux trajectoires imprévisibles.

Jacques Vincent  • 29 juin 2016 abonné·es
Les brumes électriques d’Heron Oblivion
© Photo : Alissa Anderson.

Psychédélique. Le mot a été suffisamment galvaudé pour ne pas être utilisé à la légère. Mais il désigne aussi une chose tellement fascinante qu’on est toujours heureux de le remettre en piste. Ce premier album d’Heron Oblivion s’y prête particulièrement. Venu de San Francisco, le quatuor réunit des musiciens ayant, ces dernières années, officié au sein de groupes aussi obscurs qu’Espers, Sic Alps ou Comets on Fire – ces derniers d’ailleurs repérés il y a quelques années et signalés dans ces pages pour un album que nous avions vu comme une sorte de vaudou cosmique.

Celui d’Heron Oblivion est assez différent, mais les amateurs de brumes électriques y trouveront leur compte. La particularité de la musique du groupe tient notamment à la présence d’une chanteuse à la belle voix diaphane, Meg Baird, qui joue également de la batterie. En contraste parfait s’ajoutent deux guitaristes qui utilisent toute la panoplie d’usage : larsen, distorsions diverses, pédale wah-wah, écho, vibrato, ce dernier élément rappelant parfois l’un des guitaristes les plus symboliques du son de San Francisco des années 1960, John Cipollina, au sein du Quicksilver Messenger Service. Une basse cotonneuse fait le lien entre les deux extrêmes.

Comme souvent dans ce style de musique, la durée des compositions est un élément d’autant plus récurrent que nécessaire à l’installation de leur pouvoir narcotique. L’alternance des climats également. On a ainsi de ces moments lancinants, de doux bercements qui laissent parfois craindre que les compositions portent en elles leur propre… décomposition ou qu’elles finissent par se dissoudre ou s’évaporer dans l’azur, qui pourrait certes leur constituer un assez beau linceul.

C’est compter sans les guitares, filles du feu qui, abandonnant la répétition hypnotique de leurs arpèges, soufflent régulièrement sur les braises. Ce qui était mer d’huile et tangage léger se transforme en flots tumultueux. Ce qui était calme et paix devient fureur, sang bouillonnant dans les veines. Ce qui semblait vouloir se rapprocher du silence explose en orgie sonore. Puis le calme revient, le rythme ralentit, ce qui ne présage jamais rien du reste du chemin. Les trajectoires d’Heron Oblivion sont -imprévisibles.

Musique
Temps de lecture : 2 minutes