Verdun : une cérémonie très courue

Volker Schlöndorff, choisi par le président de la République pour régler la scénographie de la cérémonie, s’est pris les pieds dans l’herbe de l’ossuaire.

Christophe Kantcheff  • 1 juin 2016
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Verdun : une cérémonie très courue
© Photo : FREDERICK FLORIN / AFP

On s’assoupissait un peu devant la cérémonie commémorative du 100e anniversaire de la bataille de Verdun. Quand soudain 3 400 jeunes, Allemands et Français, en tenues multicolores, ont déboulé des bois alentour et couru à travers les tombes au rythme des Tambours du Bronx, avant de s’affronter puis s’effondrer au pied de l’ossuaire de Douaumont en se tordant au ralenti comme s’ils étaient mortellement blessés. Passait alors un gars monté sur des échasses et recouvert de noir, censé figurer la grande faux. Enfin les 3 400 acteurs se relevaient, aux cris vaillants et actuels de « on est jeunes, wir sind da, on reste » (sic).

Que penser de cette étrange agitation ? La droite et l’extrême droite ont illico dénoncé le manque de respect dû aux « héros » de Verdun et l’« insulte » faite « à notre mémoire nationale ». Ça monte vite sur ses grands chevaux, de ce côté-là. On aurait préféré du droit dans ses bottes, quand François Hollande a voulu tout le contraire : « une cérémonie d’un autre genre. Sans faux solennel ».

Des propos rapportés par Volker Schlöndorff, choisi par le président de la République pour régler la scénographie de la cérémonie. Drôle de choix. Il est loin le temps où le cinéaste allemand réalisait des œuvres turbulentes comme Baal ou Les Désarrois de l’élève Törless. Son cinéma est devenu académique. Pas facile pour lui de faire « sans faux solennel ». Ce qui explique pourquoi il s’est pris les pieds dans l’herbe de l’ossuaire. Quelque chose dans sa mise en scène ne sonnait pas juste. Factice, la rencontre des deux générations, celle des poilus et celle de 2016, a même viré au ridicule. Angela Merkel n’était sans doute pas la seule à arborer une moue d’incompréhension au terme du spectacle.

Hypothèses : c’est parce qu’il ne fallait pas de « faux solennel » que le chef de l’État a laissé la censure opérer contre Black M, le rappeur initialement invité à commémorer ce centenaire. Pour cette raison aussi qu’il a décommandé l’orchestre de Daniel Barenboïm, pourtant prévu de longue date, qui réunit symboliquement de jeunes musiciens arabes et israéliens. Quoi qu’il en soit, en matière de « cérémonie d’un autre genre », il n’y a pas à dire : François Hollande a un goût très sûr.

Culture
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