Des féministes condamnent les arrêtés anti-burkinis

Ingrid Merckx  • 24 août 2016
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Des féministes condamnent les arrêtés anti-burkinis
© Photo : SAEED KHAN / AFP.

Des arrêtés anti-burkini pour « apaiser les esprits » ? Mais « de qui se moque-t-on ? », s’offusque Osez le féminisme dans un communiqué publié le 24 août. Avec ces mesures, « les femmes de confession musulmanes sont les grandes perdantes, souligne l’association, victimes d’actes d’humiliation, sur fond de racisme et de sexisme, depuis plusieurs jours sur les plages françaises. »

Pour preuve, cette femme verbalisée dans un climat humiliant le 16 aout sur une plage de Cannes, ville qui a inauguré ces arrêtés. Ou cette autre, à Nice, encerclée mardi par des policiers menaçants parce que ne portant pas une tenue adaptée, et dont il se dit aujourd’hui qu’il pourrait s’agir d’un testing. Mais orchestré par qui ? Les défenseurs des arrêtés ? Des islamistes provocateurs ? Des sarkozystes sentant venir la campagne ? Ou des nationalistes reniflant l’aubaine ? Les rumeurs vont bon train… Le débat autour du burkini venant masquer des arrières-pensées qui n’ont pas grand chose à voir avec la laïcité.

Dans son communiqué, Osez le féminisme rappelle ses positions sur le féminisme et les religions qui sont « le reflet du patriarcat » et considèrent les femmes comme « impures ».

Nous ne pouvons pas passer sous silence le combat de ces femmes iraniennes, saoudiennes, et de bien d’autres pays, qui réclament simplement le droit de se balader les cheveux au vent, dans l’espace public. Nous ne pouvons pas passer sous silence le fait qu’en France, certaines femmes vivent une oppression religieuse, qui va à l’encontre de leurs libertés fondamentales.

L’association, cofondée en 2009 par Caroline de Haas et aujourd’hui présidée par Anne-Sophie Mailfert, n’en fustige pas moins les arrêtés anti-burkini :

Pour autant, nous condamnons ces arrêtés anti-burkini. Où sont les droits des femmes quand on fait justement d’une catégorie de femmes les responsables du “désordre public”, voire pour certains du terrorisme ? Quel est le lien entre une femme voilée à la plage et des meurtres de masse commis par des djihadistes ? Est-ce en combattant ces femmes qu’on combat l’intégrisme et l’obscurantisme ?

Même réaction de la part des Effront-é-es, association féministe, laïque et anti-raciste, dans un communiqué également publié le 24 août :

Par quel détour retors le voile et le burkini, dénoncés comme étant sexistes, deviennent-ils les instruments d’une double peine ? Comment peut-on dénoncer le voile comme moyen d’oppression des femmes, interroger les pratiques religieuses qu’elles subissent, et dans le même temps, les violenter dans l’espace public à cause de lui ?

Ce procédé est intolérable, absurde, injuste et contreproductif. Les femmes n’ont pas à être à la fois les premières victimes du patriarcat et de ses dommages collatéraux. Ni la police, ni les préfets, ni les maires, ni même les représentants de l’État français ne semblent se préoccuper de la libération des femmes et de leur condition réelle.

Cette association rappelle, en pointant le « racisme institutionnalisé » :

Le voile n’a à être interdit ni à l’université ni dans l’espace public. Il est en revanche fâcheux que le gouvernement aie lamentablement reculé devant des mouvements conservateurs et religieux qui se sont opposé aux ABCD de l’égalité, programme d’éducation contre le sexisme et pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école. Plus de savoirs sur leur condition, de sensibilisation, de moyens sociaux, d’autonomie financière aideront bien plus les femmes qu’une amende assortie d’un ordre brutal à se déshabiller sur une plage.

Osez le féminisme dénonce pour sa part une « double manipulation » qui « stigmatise les femmes voilées » :

Manipulation des fabricants de vêtements de mode dite “pudique”, qui se frottent les mains, mais aussi de ceux pour qui le voile devrait être obligatoire pour les femmes musulmanes. Mais aussi manipulation de ces édiles locaux (dont certains visiblement en manque de notoriété), qui, à défaut de faire des politiques sociales aptes à endiguer l’exclusion que vivent certains et certaines (l’exclusion sociale étant une trappe vers un repli sur soi communautaire), préfèrent s’attaquer à une catégorie de femmes, livrées à la vindicte raciste.

Et de prendre ainsi l’exact contrepied de certaines qui, à l’instar d’Elisabeth Badinter, se battent contre une prétendue « mode islamiste ». Combat dans lequel le premier ministre Manuel Valls a emboité le pas à la philosophe. Quand d’autres considèrent que cette « mode » et ces tenues de plage pourraient, au contraire, être perçues comme un signe d’intégration.

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