Les cavaliers

Ouagadougou est sans doute l’une des seules villes au monde où des cavaliers se déplacent en liberté, traversant les avenues, les ruelles, patientant au feu rouge près des taxis et de la nuée des petits scooters.

Philippe Bordas  • 25 août 2016
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Les cavaliers
© Photographies de Philippe Bordas

Ici, les chevaux trônent et paissent devant les maisons basses des quartiers. Ils côtoient la Mercedes ou la BMW devant la façade des riches villas. Le cheval vit et survit dans le cœur des Burkinabés, il est l’emblème du pays, il en est l’âme, si l’on se rappelle que la signification de Ouédraogo, le nom du fondateur mossi signifie « cheval mâle ». La cavalerie fabuleuse de l’empire mossi est demeurée dans tous les esprits. Brisée par l’armée française en 1896, cette cavalerie mythique a ressuscité depuis quelques années, au travers des spectacles de la famille Dermé, au travers des recherches ethnographiques et historiques des savants burkinabés qui ont reconstitué les tenues. Mieux, de jeunes garçons et de jeunes femmes de belle allure se déplacent à nouveau dans la ville à cheval. Même s’ils vivent dans les quartiers modestes, ils maintiennent une simplicité et le naturel aristocratique de leurs ancêtres. De fait, la plupart sont les descendants directs des cavaliers et des amazones de l’armée de l’ancien roi, le Mogho Naaba, toujours en poste. Ils ont repris le flambeau et vivent au quotidien la passion de leurs anciens. Et c’est un spectacle émouvant de les voir dans Ouagadougou et dans les campagnes voisines se déplacer en petite bande, en habits normaux ou en habits de soirée, pour aller boire un verre, faire leurs courses, boire un café ou retrouver d’autres amis dans une boîte de nuit. C’est comme si la cavalerie mossi était pour un instant ressuscitée, rappelant à tous le culte équestre de la noblesse et de la beauté.

A propos de l’auteur. D’abord journaliste à L’Equipe, longtemps dévolu aux pages vélo, puis photographe, récompensé par le prix Nadar (2004), Philippe Bordas a fait de l’Afrique un thème de prédilection en images, à la fois sobres et lyriques, l’objectif collé aux basques des chasseurs, lutteurs et boxeurs. Une photographie à nulle autre pareille, sans fioritures, portée par le sens de la lumière et de la couleur, terriblement humaine, terriblement juste, au diapason d’une littérature hors norme puisque le photographe s’est révélé, depuis Forcenés (Fayard, 2008) conteur, poète tragico-lyrique-hilarant, apportant un souffle nouveau à la langue française, puisant dans les registres rabelaisien et célinien, empruntant ce qu’il faut chez Jarry, avant de livrer un style qui lui est propre, aristocratique et populaire. L’Invention de l’écriture (Fayard, 2010) ; Chant furieux (Gallimard, 2014) ; ou Cœur-volant (Gallimard, 2016) en sont autant d’exemples, époustouflants. JCR.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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