Turquie : L’alibi Daech

La Turquie d’Erdogan pourchasse les Kurdes en Syrie.

Politis  • 31 août 2016
Partager :
Turquie : L’alibi Daech
© Photo : Ensar Ozdemir / ANADOLU AGENCY / AFP

Décidément, Daech est bien utile. Après la Russie de Poutine qui, au prétexte de la guerre au terrorisme, n’en finit pas de bombarder les rebelles syriens, c’est à présent la Turquie d’Erdogan qui pourchasse les Kurdes en Syrie. Après avoir justifié le franchissement de la frontière par une offensive anti-Daech, la Turquie mène en vérité, depuis le 24 août, une offensive de grande envergure contre les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et des Unités de protection du peuple kurde (YPG).

Recep Tayyip Erdogan n’en fait d’ailleurs pas mystère, amalgamant dans un même communiqué Daech et les organisations kurdes, tous qualifiés de « terroristes ». Son vice-Premier ministre, Numan Kurtulmus, a, lui, clairement fixé l’objectif de cette opération baptisée « Bouclier de l’Euphrate » : « Nettoyer la région de l’État islamique [Daech] et empêcher le Parti de l’union démocratique [PYD-kurde] et les YPG de mettre en place un couloir de bout en bout. » La grande crainte d’Ankara, c’est qu’une continuité se crée sur un territoire contrôlé par les Kurdes au nord de la Syrie, le long de la frontière turque. Dans l’imbroglio syrien, chacun poursuit son propre agenda. Les Kurdes ont conquis d’importantes positions en infligeant plusieurs défaites à Daech. L’objectif étant pour eux de créer une situation à l’irakienne, ou un territoire autonome existe depuis 2005. C’est évidemment la hantise d’Ankara, qui redoute une fusion avec les populations kurdes de Turquie.

L’ironie de l’histoire, c’est qu’il est probable que Recep Tayyip Erdogan ait reçu préalablement le feu vert de Moscou. Violemment opposées il y a peu encore sur le conflit syrien, la Russie et la Turquie semblent s’accorder aujourd’hui pour réaliser des objectifs qui n’ont pas grand rapport avec Daech. Une entente qui ne plaît guère aux États-Unis. Barack Obama le dira sans doute à Erdogan qu’il doit rencontrer dimanche en Chine. Sans grand effet probablement.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »
Entretien 8 décembre 2025 abonné·es

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »

Un an jour pour jour après la chute du régime de Bachar Al-Assad, Arthur Sarradin, journaliste et écrivain, revient sur les traumatismes d’une Syrie effondrée après quatorze années de guerre civile.
Par William Jean
En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral
Syrie 8 décembre 2025 abonné·es

En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral

Il y a tout juste un an, le régime Assad tombait. Pour faire plier ses opposants, il avait eu recours à l’emprisonnement des femmes. Comme les hommes, elles ont été torturées, affamées et pour beaucoup violées. Elles sont aujourd’hui largement invisibilisées et très souvent rejetées parce que considérées comme salies.
Par Bushra Alzoubi et Céline Martelet
« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »
La Midinale 8 décembre 2025

« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »

Richard Werly, correspondant en France du journal suisse Blick et auteur de Cette Amérique qui nous déteste aux éditions Nevatica, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins