Alain Badiou : « Qui décide de ce qui est possible ? »
Le philosophe Alain Badiou revient sur l’échec du « parcours grec » et interroge les nouvelles formes de mobilisation dans un monde désorienté.
dans l’hebdo N° 1420 Acheter ce numéro

Dramaturge, romancier et philosophe marxiste, Alain Badiou nous a reçus longuement pour appréhender les difficultés du temps présent. Entre sa déception causée par l’issue de la crise grecque, avec le reniement d’Alexis Tsipras, et, surtout, la disparition de toute idée – et de tout espoir – d’alternative au capitalisme mondialisé, en particulier chez la jeunesse. Des thèmes qui sont au cœur de deux ouvrages qu’il publie en cette rentrée [^1].
Dans Un parcours grec, vous insistez sur le fait que nous sommes, « depuis presque trente ans, dans un temps désorienté », au sens où tout est fait pour rendre la séquence antérieure « illisible ». De quelle séquence parlez-vous ?
Alain Badiou : Une première séquence englobe grosso modo les années 1960 et 1970, celles-ci venant s’échouer sur les années 1980 (même s’il en reste alors des traces). Cette séquence était marquée par une sorte de conviction, quasiment mondiale, qu’il fallait que quelque chose se passe pour changer radicalement le monde. Bien sûr, cela se déroulait dans un grand désordre idéologique, avec des contradictions partout et des groupuscules fleurissant de toutes parts sur des bases plus ou moins différentes. Mais il existait un arrière-plan général, qui, si on le considère rétrospectivement, était une sorte d’évidence partagée (y compris par les adversaires du