« Jeunesse », de Julien Samani : Rêver sans sombrer

Jeunesse, premier long métrage de fiction de Julien Samani, est une adaptation séduisante du chef-d’œuvre de Joseph Conrad.

Christophe Kantcheff  • 7 septembre 2016 abonné·es
« Jeunesse », de Julien Samani : Rêver sans sombrer
© Photo : DR.

Julien Samani s’était jusqu’ici fait connaître avec des documentaires, parmi lesquels La Peau trouée (2004), film fascinant sur la pêche au requin. On ne s’étonnera pas que le cinéaste ait croisé sur sa route l’œuvre de Joseph Conrad, dont il adapte, pour son premier long métrage de fiction, ce court chef-d’œuvre qu’est Jeunesse.

On pourrait résumer Jeunesse en un paradoxe : un jeune matelot participe à sa première mission sur un vieux cargo, le Judée, qui prend des allures de pitoyable déroute : le bateau subit moult avaries et finit par prendre feu pour sombrer définitivement. Pourtant, cette traversée restera pour le jeune Zico (Kévin Azaïs) une grande aventure existentielle ayant fondé toute sa vie de marin.

Sans beaucoup de moyens, travaillant les cadres et le hors-champ pour induire l’horizon de l’épopée, le cinéaste transmet le sentiment du grand large, retrouvant des accents de la nouvelle : « Le Judée roulait, tanguait, piquait du nez, se plantait sur son cul, se trémoussait, gémissait, et nous devions prendre un point d’appui quand nous étions sur le pont, nous accrocher à nos couchettes quand nous étions en bas, dans une tension physique et une inquiétude d’esprit constantes. »

Mais Julien Samani s’est avant tout concentré sur la confrontation entre les aspirations de son héros et une réalité totalement désenchantée. Non seulement le cargo est en fin de vie, mais la tête de l’équipage paraît moins solide qu’originale : le capitaine oscille entre douceur et étrangeté (Jean-François Stévenin), tandis que son second est un -taiseux revêche (Samir Guesmi). La réussite du film tient beaucoup au trio de comédiens, qui mêlent trois univers personnels différents dans une entente féconde.

Contrairement à ce qui aurait pu advenir, la vie dans laquelle Zico s’est projeté ne le déçoit pas. Face aux épreuves, à la mort d’un de ses camarades, il trouve en lui les ressources pour persévérer, affronter le danger, assurer la charge de lieutenant et même être celui qui, sachant raison garder, prend en charge le salut de l’équipage. Julien Samani décrit le parcours d’un homme qui passe de la candeur adolescente à l’âge adulte – Zico arrachant même sa totale indépendance – sans perdre les rêves de l’enfance qui lui permettent d’avancer. « Jeunesse » accomplie.

Jeunesse, Julien Samani, 1 h 23.

Cinéma
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