« Une mise à l’abri pour tous »

À l’initiative d’Anne Hidalgo, un camp de réfugiés va ouvrir mi-octobre à Paris pour accompagner les primo-arrivants. Une première en France. Explications de Dominique Versini.

Ingrid Merckx  • 7 septembre 2016 abonné·es
« Une mise à l’abri pour tous »
© Photo : Lucas Arland / Citizenside / AFP

Le 6 septembre, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé l’ouverture d’un camp de réfugiés dans la capitale pour la mi-octobre. Un pôle d’accueil inconditionnel qui offrira un abri aux primo-arrivants ainsi qu’un suivi socio-éducatif et médical. Son côut annoncé : 6,5 millions d’euros pris en charge à 80 % par la ville

La maire de Paris a annoncé l’ouverture d’un camp de réfugiés dans la capitale. Ne s’agit-il pas plutôt d’un camp de transit ?

Dominique Versini : « Camp de réfugiés » est un terme générique : tous les migrants ne demandent pas l’asile, et tous n’obtiendront pas le statut de réfugiés. Le camp qui va ouvrir à Paris est destiné à tous les primo-arrivants. Une cinquantaine par jour se présente en moyenne dans cette ville, et le dispositif d’asile et d’hébergement était complètement saturé. Devant la multiplication d’installations précaires, la maire de Paris a décidé d’ouvrir ce camp de réfugiés. C’est l’aboutissement d’un long travail mené avec l’État et des associations comme Emmaüs Solidarité, France Terre d’asile et le Samu social.

La dénomination « Camp de réfugiés » regroupe plusieurs sites. Les primo-arrivants se présenteront boulevard Ney, dans le XVIIIe arrondissement, où un pôle d’accueil sera mis en place. Ils seront accueillis par des travailleurs sociaux d’Emmaüs qui mèneront une évaluation sociale pour connaître les projets de chacun et proposer un bilan de santé qui sera réalisé par le Samu social. Si les personnes veulent rester, il y aura, à côté, un site pour les hommes isolés d’une capacité de 400 places. Ils pourront s’y poser une dizaine de jours. S’ils veulent demander l’asile, ils seront orientés vers les structures ad hoc. Un dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers, géré par la Croix-Rouge, mettra ceux-ci à l’abri dans une structure spécifique. Les femmes avec ou sans enfants seront dirigées vers un autre site qui va ouvrir à Ivry-sur-Seine en décembre. Idem pour les familles « avérées », certaines femmes étant aux mains de passeurs qui se font passer pour leur mari ou leur accompagnant. Il y aura 350 places pour ces personnes vulnérables qui pourront rester autour de trois mois.

Le pôle d’accueil recevra-t-il bien tout le monde sans conditions ?

Le pôle d’accueil sera inconditionnel et sans relevé d’empreintes digitales. Il est convenu avec l’État que les personnes hébergées dans le centre du nord de Paris restent huit à dix jours, le temps pour des services comme l’Ofii et l’Ofpra de prévoir un autre lieu d’accueil et à la personne de déposer une demande d’asile.

Ce camp est le fruit d’un partage d’expériences avec des villes allemandes et Grande-Synthe. Les villes parviennent donc à infléchir les politiques nationales ?

L’Allemagne a dû faire face à l’arrivée d’un million de migrants. Munich, qui a reçu, en juin 2015, 15 000 migrants le même week-end, est un modèle d’accueil. Au niveau fédéral, une loi a été votée qui oriente les réfugiés vers les autres communes selon la taille de la ville. C’est vers ce modèle qu’on tend à Paris, avec une répartition vers les centres ouverts par l’État dans les autres communes. C’était la demande de la maire de Paris, il y a déjà un an. Sa force de conviction a entraîné l’État. On l’observe aussi à l’étranger : ce sont souvent les maires des grandes villes qui font remonter les besoins au niveau de l’État central. Reste qu’un tel camp au cœur d’une capitale, c’est une première en Europe.

Cet été, la préfecture de Paris a musclé les évacuations de campements. Est-ce que cet accord entre la ville et l’État va modifier ses interventions ?

Si le dispositif fonctionne bien, le camp doit permettre de fluidifier les flux. Il y aurait donc moins de campements de rue dans Paris. Mais le préfet de police dispose de pouvoirs régaliens. En période d’état d’urgence, on peut comprendre qu’il procède à des contrôles d’identité dans l’espace public. Ces évacuations n’ont pas été menées à la demande de la Ville de Paris. Notre demande vis-à-vis de l’État a toujours été : pas d’évacuation par la force, la mise à l’abri pour tous. En juillet, une opération a permis de mettre 2 600 personnes à l’abri, en août, 1 600 personnes. Il serait souhaitable que d’autres villes ouvrent des camps de réfugiés : Lyon, Bordeaux, Marseille…

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