Autour de la COP 22 : le silence assourdissant des candidats américains sur le climat

En ce jour d’ouverture du sommet climat de Marrakech, retour sur l’absence de débat sur le réchauffement climatique qui entoure la campagne des deux prétendants à la Maison Blanche.

Claude-Marie Vadrot  • 6 novembre 2016 abonné·es
Autour de la COP 22 : le silence assourdissant des candidats américains sur le climat
© Photo : Brendan Smialowski / AFP.

Alors que de nombreux pays « célèbrent » la mise en route de l’Accord de Paris, bien que le Congrès des États-Unis n’ait pas encore légalement ratifié cet accord, les deux candidats à la présidentielle américaine n’ont jamais abordé le sujet climatique au cours de leurs face-à-face. Les principaux responsables en sont les journalistes et animateurs des débats qui n’ont pas osé ou pas souhaité poser une seule question sur cette thématique. Résultat : pas un seul argument n’a été échangé sur ce sujet face aux dizaines de millions de téléspectateurs qui ont suivi leurs affrontements. Ceci alors que Donald Trump a multiplié les déclarations climato-sceptiques et que son adversaire Hillary Clinton a fait savoir qu’elle mettrait en œuvre les décisions et la signature de Barack Obama.

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Pourtant, ces positions des deux candidats sont connues, même si depuis une quinzaine de jours, l’un et l’autre se gardent également d’aborder frontalement un thème sur lequel les partisans de Bernie Sanders et ceux de Clinton font (discrètement) campagne, dans leurs réunions provinciales, sur la « nécessité vitale » de réduire les émissions de gaz a effet de serre émis sur le territoire des États-Unis. Analyse à laquelle s’opposent une trentaine de gouverneurs des États américains et la majorité actuellement en place au Sénat. Au nom de la préservation de l’utilisation du charbon ou de la poursuite de l’extraction des gaz de schiste ; et aussi pour des raisons religieuses. Le dérèglement du climat ne serait par évoqué dans la Bible et la Genèse, ont affirmé plusieurs sénateurs lors d’interventions publiques à la tribune du Sénat.

Le Sénat toujours climato-sceptique

La candidate démocrate sait fort bien que seule l’élection de quelques candidats démocrate au Sénat permettra une ratification de l’accord de Paris ; s’ils provoquent un renversement, même de deux ou trois sièges. La constitution américaine fixe leur nombre à 100, chaque État envoyant deux sénateurs à la Chambre haute, quelle que soit l’importance de leur population. Ils sont actuellement 52 Républicains et il n’est pas certain que le renouvellement d’un tiers d’entre eux (36) – qui se déroulera en même temps que l’élection présidentielle du mardi 8 novembre -, pourra faire basculer cet équilibre.

Seul un changement de majorité, pourrait permettre à Hillary Clinton de mettre en œuvre le « plan climat » en dix points qu’elle a (discrètement) publié il y a quelques semaines et sur lequel elle n’a été interrogée qu’une fois par la radio publique américaine. Un plan qui prévoit une diminution de 30 % des émissions de gaz a effet de serre pour 2 025 (plus que promis par Obama). Il serait appuyé sur un investissement de 60 milliards de dollars et un complément de 30 milliards consacrés aux équipements individuels en énergie renouvelable et au financement de la transition énergétique pour aider le reclassement des salariés de régions touchées par l’abandon du charbon et celui, plus progressif, du recours aux gaz de schiste.

Trump : « un réchauffement inventé par la Chine »

Quant à Donald Trump, soucieux dans la dernière ligne droite de séduire ce qui reste des conservateurs du Tea Party et de s’attirer les faveurs des compagnies énergétiques et des salariés du pétrole ou du charbon, il multiplie les interventions contre les « mensonges de la science », les protecteurs de la nature, les universités et les associations de scientifiques qui défendent très majoritairement les thèses publiées à plusieurs reprises par le GIEC, le Groupement intergouvernemental pour l’étude du climat. Et il répète à l’envi dans ses derniers meetings locaux que « la lutte pour la sauvegarde du climat a été inventée par la Chine pour déstabiliser l’industrie des États-Unis ». Il est souvent contredit par les journaux régionaux ou nationaux, mais le débat n’a pas réussi à gagner l’opinion publique et la campagne électorale bien que les sondages publiés ces derniers mois font apparaître que les Américains sont désormais majoritairement conscients que les dérèglements climatiques sont une réalité et que les activités humaines en sont la cause principale.