COP 22 : le vif du sujet

Le sommet climat de Marrakech tentera de traduire en actes l’Accord de Paris, la partie difficile des négociations.

Patrick Piro  • 9 novembre 2016 abonné·es
COP 22 : le vif du sujet
© Photo : FADEL SENNA/AFP

Inévitables congratulations, lundi, à l’ouverture de la COP 22, qui se tient à Marrackech jusqu’au 18 novembre. Car l’Accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015 (COP 21), est « entré en vigueur » trois jours avant. Il fallait pour cela la ratification d’au moins 55 pays contribuant à 55 % des émissions de CO2 ou plus. Les États-Unis et la Chine, les deux poids lourds mondiaux, s’en étaient acquittés de concert le 3 septembre, avant l’Inde et l’Union européenne, début octobre [^1]. Il avait fallu attendre 2005 pour le Protocole de Kyoto, signé en 1997.

Mais cette étape n’en reste pas moins mineure. D’abord parce que l’Accord de Paris ne prévoit d’être effectif qu’à partir de 2020. Ensuite parce que sa signature n’a été obtenue qu’au prix du report de la mise au point pratique des engagements politiques : maintenir la hausse des températures à 2 °C, voire 1,5 °C, pour le principal.

Il faut maintenant passer des discours aux solutions concrètes : Paris s’était arrogé les paillettes, à Marrackech (et aux COP suivantes) le cambouis d’une mécanique délicate. Déclaration des émissions, mesures… Comment s’assurer de la transparence des parties prenantes, et quelles méthodes de suivi ? Alors que la somme de leurs engagements actuels de réduction d’émissions est très insuffisante [^2], les signataires ont prévu de les ajuster tous les cinq ans. Mais, 2025, c’est bien trop tard pour corriger le tir, s’alarment les organisations citoyennes. La concentration de CO2 dans l’atmosphère grimpe toujours et dépasse 400 parties par -million (ppm), quand il faudrait revenir à 350 ppm pour espérer limiter la hausse des températures à 1,5 °C. Et 2016 s’annonce comme l’année la plus chaude depuis les premières mesures, il y a cent cinquante ans.

Le dossier du financement progressera-t-il à Marrackech ? Les pays riches s’étaient engagés en 2009 à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. L’an dernier, l’OCDE avait provoqué l’ire de l’Inde (entre autres) en alléguant que les contributions identifiées atteignaient 64 milliards de dollars, contre trois à quatre fois moins selon d’autres relevés. Là aussi, la transparence sera essentielle au maintien du fragile pacte de confiance ébauché à Paris.

Tout aussi épineuse est l’affectation des sommes. Le Nord privilégie les actions de réductions d’émissions, génératrices d’affaires (vente de technologies vertes), quand le Sud, le plus touché par le dérèglement et le moins responsable de la situation, exige la priorité aux mesures d’adaptation pour ses populations.

Même clivage sur les questions agricoles, esquivées par l’Accord de Paris. Le Maroc, pays hôte, a lancé son initiative « Adaptation de l’agriculture africaine » à la COP 22. Le Nord préfère modifier les pratiques de l’agriculture industrielle à coups de technologies pour la rendre neutre en gaz à effet de serre (elle contribue à environ 20 % des émissions). Le Sud demande la sauvegarde urgente du gagne-pain de milliards de paysans qui voient s’accentuer les sécheresses et les inondations. L’Accord de Paris, dont tout signataire peut librement se retirer à tout moment, est encore loin d’entrer concrètement en vigueur.

[^1] À ce jour, 97 pays ont ratifié l’accord, sur 194 parties signataires.

[^2] Ce scénario conduirait à une augmentation des températures de 3 à 4 °C.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

À Nîmes, l’écologie populaire s’empare du logement
Reportage 9 juillet 2025 abonné·es

À Nîmes, l’écologie populaire s’empare du logement

Dans cette ville du Gard violemment touchée par les canicules, l’habitat « bouilloire » fait les premières victimes de ces vagues de chaleur d’une intensité croissante. Une thématique au cœur du festival les Vers du Ter-Ter.
Par Embarek Foufa
Loi Duplomb : la FNSEA contre la société
Analyse 8 juillet 2025

Loi Duplomb : la FNSEA contre la société

Ce 8 juillet, les parlementaires doivent voter la proposition de loi du sénateur de droite proche de la FNSEA contenant de nombreux reculs écologiques et sanitaires. Ces derniers jours, les oppositions à ce texte ont fleuri de partout, témoignant d’une mobilisation massive et éclectique.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Les députés qui voteront pour la loi Duplomb voteront pour le cancer »
Entretien 7 juillet 2025 abonné·es

« Les députés qui voteront pour la loi Duplomb voteront pour le cancer »

Porte-parole de l’association Avenir Santé Environnement, Franck Rinchet-Girollet est le père d’un enfant de 8 ans en rémission d’un cancer. Il exhorte les députés à voter contre la très contestée loi Duplomb, votée mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale.
Par Pierre Jequier-Zalc
Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes
Décryptage 30 juin 2025 abonné·es

Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes

La « loi Duplomb » est discutée en commission mixte paritaire à partir de ce lundi 30 juin. Le texte ne bénéficiera qu’à une poignée de gros agriculteurs et invisibilise celles et ceux qui défendent une agriculture paysanne et vertueuse.
Par Vanina Delmas