La COP 22 en état de léthargie

L’annonce de l’élection de Donald Trump a écrasé les débats d’une COP 22 déjà bien moribonde.

Claude-Marie Vadrot  • 9 novembre 2016 abonné·es
La COP 22 en état de léthargie
© Photo illustration : OLIVIER MORIN / AFP.Photo texte : Claude-Marie Vadrot.

L’élection du nouveau président américain connu, entre autres, pour ses convictions climato-sceptiques, a submergé toutes les molles discussions en cours à la conférence sur le climat. Les délégués de la plupart des pays étant envahis par un sentiment d’inutilité. Sauf, par exemple au pavillon de la Russie dont un attaché de presse répétait inlassablement aux curieux : « ce n’est pas une mauvaise nouvelle, car la communauté va pouvoir se consacrer à des questions plus sérieuses que le temps qu’il va faire dans trente ans ».

Autre forme d’optimisme, celui de Brice Lalonde, successivement conseiller de Nicolas Sarkozy et de François Hollande pour l’environnement ou le climat. Pour l’ancien ministre de Michel Rocard, « les protecteurs de l’environnement et ceux qui luttent contre le dérèglement climatique ont bien déjà résisté à Georges W. Bush, alors ils s’en sortiront encore cette fois. Il nous faut au plus vite constituer une délégation de scientifiques et d’expert renommés pour aller faire entendre raison à Donald Trump ». Un sentiment optimiste qui n’apparaît pas ici faire l’unanimité auprès des experts, des délégués du Sud, et surtout des représentants des associations nationales ou internationales.

Ce sont ces dernières qui ont réagi en premier dés le début de la matinée du 9 novembre. Comme en témoigne cet extrait du compte rendu de la rencontre tenue dès l’aube par une réunion des responsables des groupes présents à Marrakech : « Pour la communauté des associations, le fait que les citoyens américains aient choisi d’élire Donald Trump ressemble à une sentence de mort. Alors que, surtout dans les pays du sud, nous souffrons déjà du réchauffement climatique après des années d’inaction de la part de pays riches comme les États-Unis. Nous ne pouvons ni ne devons nous résigner à renoncer aux relativement petits progrès acceptés par la Maison Blanche. La communauté internationale ne peut pas se laisser entraîner dans une course vers l’abîme ».

En dehors des Russes et des Australiens ou des pays du Golfe, les responsables et membres des délégations de la plupart des 194 pays présents à la conférence, le choix officiel est celui de la prudence et de la langue de bois diplomatique. Notamment au pavillon des États-Unis dont les responsables ont quand même pris l’initiative d’organiser une réunion exceptionnelle vers 11 heures pour répondre aux questions du public. On peut résumer leurs pensées par une affirmation maintes fois répétée par l’animatrice et ceux qui l’entouraient : « Il faudra faire confiance aux entrepreneurs et au secteur privé pour impulser l’utilisation des énergies renouvelables. Et il est possible de compter sur les citoyens pour imposer les changements aux entreprises ». En face, le bureau de presse de la délégation américaine était quasiment vide et le seul officier de presse résumait sa pensée autorisée par le classique « no comment ».

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Dans le pavillon français décoré par des panneaux à la gloire de « L’accord de Paris », il ne se passait rien. Tandis que défilait sur un grand écran, un film à la gloire de Ségolène Royal dans lequel la ministre française de l’Écologie apparaît en moyenne toutes les quinze secondes sans que jamais ne figurent le visage ou même la silhouette de Laurent Fabius. Une vraie bande dessinée : Ségolène derrière un micro, Ségolène à un pupitre, Ségolène arpentant de longs couloirs de conférence, Ségolène dans la foule, Ségolène serrant des mains ou embrassant des personnalités. Ségolène défilant toujours royalement comme elle le faisait la veille dans la grande allée de la COP 22, entourée (plus exactement suivie…) par une cohorte de conseillers en costards noirs. Commentaire discret du technicien de service dans la salle de réunion donnant sur les allées : « j’ai pensé qu’il était quand même plus approprié de couper le son… ». Une attachée de presse anonyme présente admettait prudemment que les réunions publiques prévues étaient « désormais un peu hors de propos ».

Évidemment, contrairement à la stupeur muette de la zone bleue réservée aux officiels et aux diplomates, la zone verte bruissait des commentaires atterrés de représentants de la société civile, certains évoquant même un possible départ pour signifier (Greenpeace ou climat-justice, par exemple) une politique de protestation par la chaise vide. À propos d’absence, une rumeur persistante fait état d’un agenda trop chargé du côté de François Hollande pour venir la semaine prochaine.

Il est vrai que comme l’accord ne sera pas confirmé par le nouveau président ni ratifié par le Sénat américain où la majorité républicaine est renforcée, il n’y a plus de quoi se vanter d’un accord déjà minimaliste…