Le piège d’Oslo

Le politologue Nicolas Dot-Pouillard porte un regard lucide sur la situation du mouvement national palestinien.

Denis Sieffert  • 9 novembre 2016 abonné·es
Le piège d’Oslo
© Photo : MOHAMMED ABED/AFP

Les divisions du mouvement national palestinien ne sont certes pas nouvelles. Mais, plus que de divisions, il s’agit aujourd’hui d’un véritable « éclatement ». C’est ce que suggère le titre du dernier ouvrage du politologue Nicolas Dot-Pouillard, La Mosaïque éclatée.

Le chercheur analyse les causes de cette évolution depuis ce moment clé de l’histoire que furent les accords d’Oslo, en 1993. Auparavant, les antagonismes entre le Fatah de Yasser Arafat et le Front populaire de Georges Habache ou le Front démocratique de Nayef Hawatmeh se géraient tant bien que mal au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Mais Arafat et Habache ne sont plus là, et le paysage géopolitique a profondément changé.

Deux événements majeurs ont contribué à cet éclatement : la création du Hamas, en décembre 1987, et les accords d’Oslo, six ans plus tard. Lorsque l’organisation islamiste apparaît, le combat des Palestiniens est à son apogée. C’est la première Intifada, et Arafat va bientôt mener une offensive diplomatique de grande envergure. C’est l’échec de sa stratégie de la main tendue à Israël et la poursuite de la colonisation qui vont faire du Hamas une organisation quasi majoritaire dans l’espace palestinien. Nicolas Dot-Pouillard décrypte lucidement les pièges d’Oslo, qui ne traitait d’aucune des questions de fond : ni le sort de Jérusalem, ni le droit au retour des réfugiés, ni le tracé des frontières d’un futur État – dont d’ailleurs il n’était pas question.

Quant à la création de l’Autorité nationale, elle hérite d’un pouvoir administratif limité sur une parcelle de territoire, et dévitalise l’OLP, devenue, selon le mot de l’auteur, « un astre mort [qui] continue de tourner ». Mais le peu de pouvoir qui reste à l’OLP, notamment financier, est monopolisé par la direction sous la férule de Mahmoud Abbas. Bref, l’organisation « ne reflète plus le paysage politique palestinien », transformé par la montée en puissance de courants islamiques, du Hamas au Jihad islamique palestinien.

Les révolutions et contre-révolutions en Égypte et en Syrie vont ensuite peser sur le mouvement national. Comme l’écrit Dot-Pouillard, « les divisions ne sont pas seulement celles du pouvoir et du territoire, elles sont relatives aux alliances régionales ». La crise syrienne est devenue une crise inter-palestinienne. Les uns choisissent Istanbul et Riyad, les autres Téhéran et Damas. La contradiction traverse même le Hamas. Nicolas Dot-Pouillard fait preuve d’un certain optimisme quand il parle encore de « pluralisme ». Ce qui est vrai, c’est que tous les conflits du monde n’ont pas encore réussi à dissoudre la cause palestinienne, qui garde sa centralité mobilisatrice dans le monde arabe. Et « l’imaginaire national est toujours en mouvement », porté par une nouvelle génération en quête de nouvelles formes d’action.

La Mosaïque éclatée. Une histoire du mouvement national palestinien (1993-2016), Nicolas Dot-Pouillard, Sindbad/Actes Sud, 255 p., 22 euros.

Idées
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