Primaires LR : La bourgeoisie a voté

Pressé d’en découdre, l’électorat conservateur traditionnel s’est mobilisé en masse dimanche pour tourner la page Sarkozy.

Michel Soudais  • 23 novembre 2016 abonné·es
Primaires LR : La bourgeoisie a voté
© Photo : Eric FEFERBERG/AFP

Le premier tour de la « primaire de la droite et du centre », dimanche dernier, a déjoué tous les pronostics. Ceux des instituts de sondage. Ceux aussi des médias mainstream qui avaient pourtant réservé une importante surface rédactionnelle à cette campagne interne, multipliant depuis des mois les reportages, analyses et commentaires. Ceux, enfin, des états-majors politiques, à commencer par les organisateurs du scrutin eux-mêmes. Ni les uns ni les autres n’avaient imaginé l’ampleur de la mobilisation électorale et la large victoire de François Fillon.

La première surprise est en effet venue de l’affluence des électeurs dans les 10 229 bureaux de vote installés pour l’occasion. Les organisateurs espéraient trois millions de votants, ils en ont vu venir plus d’un million supplémentaire. Un tantinet débordée par ce succès, la Haute Autorité de la primaire n’affichait encore sur son site, mardi midi, que des résultats partiels portant sur 9 940 bureaux, totalisant 4 167 532 électeurs. Cette forte mobilisation – près de 9 % des électeurs inscrits –, supérieure à celle constatée en 2011 pour la primaire du PS (2,7 millions de votants), est le signe d’une radicalisation de l’électorat conservateur, pressé de chasser de l’Élysée François Hollande et qu’ils identifient toujours à une gauche jugée par eux illégitime dans l’exercice du pouvoir.

La seconde surprise, c’est bien évidemment l’ampleur du vote en faveur de François Fillon. Avec 44,1 % des suffrages exprimés et plus de 1,8 million de voix, l’austère député sarthois de Paris écrase la concurrence. Il devance Alain Juppé (28,5 %), qui passait depuis des mois pour le grand favori de ce scrutin, de 15,6 points et d’environ 650 000 voix. Ce dernier n’arrive en tête que dans cinq départements autour de la Gironde, en Seine-Saint-Denis, en outremer et chez les Français de l’étranger, tandis que François Fillon s’impose dans une écrasante majorité des départements. Sa désignation comme « candidat de la droite et du centre », dimanche 27 novembre, paraît d’ores et déjà acquise. Sauf improbable retournement des électeurs, on voit mal comment l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, à 6 points de la majorité absolue, et qui a reçu depuis le soutien de l’ancien président de la République (20,6 %), de Bruno Le Maire (2,4 %) et de Jean-Frédéric Poisson (1,5 %), pourrait manquer la dernière marche.

L’élimination de Nicolas Sarkozy, contraint de prendre à 62 ans sa retraite politique, a constitué dimanche soir la troisième surprise et l’événement du scrutin. L’ancien chef de l’État, qui était revenu en politique en 2014 en prenant facilement la présidence de l’UMP, qu’il a rebaptisée Les Républicains, est cette fois sèchement éconduit par ses électeurs. Sa pugnacité, son outrance et son culot, qui plaisaient encore à 64,5 % des 165 000 militants votants de l’UMP il y a deux ans, ont très majoritairement rebuté les quatre millions d’électeurs de droite qui se sont déplacés dimanche. Son échec est en partie attribuable aux électeurs de François Hollande, estimés entre 12 et 15 % des votants, venus pour lui barrer la route en votant principalement pour Alain Juppé, mais pas seulement : « Le bling-bling, la hargne anti-immigrés, le culte du veau d’or ne font pas recette chez les cathos et dans la droite convenable », analyse le centriste Jean-Louis Bourlanges, dans Le Figaro (22 novembre). Or, c’est essentiellement cet électorat, politisé, peu abstentionniste qui s’est mobilisé dimanche dernier.

Le phénomène est observable dans toutes les primaires : « Les classes populaires ne sont pas venues voter », déplore Gérald Darmanin, maire LR de Tourcoing et directeur de campagne de Sarkozy, qui constate un gros écart de participation entre les villes populaires et les communes plus bourgeoises. Le point faible de François Fillon est là.

Politique
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