Sollers ou la subversion moisie

Sur France Inter le 28 octobre, Philippe Sollers a excellé dans le creux contentement de soi.

Christophe Kantcheff  • 2 novembre 2016
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Sollers ou la subversion moisie
© Photo : Leemage / AFP

Il se passe parfois des choses dont, sur le coup, on ne mesure pas la portée. Qu’on se le dise : Philippe Sollers « contre-attaque » ! Quand, assurant la promotion de son dernier livre (Contre-attaque, donc, chez Grasset), sur France Inter le 28 octobre, le sulfureux, le subversif, le transgressif auteur de Femmes prend la parole, ce n’est pas pour rien… ou presque. Sollers y a excellé dans le creux contentement de soi, la stridulation fate, les bulles de mots anodins qui s’évanouissent dans un chuintement.

L’homme de la collection « L’Infini » a la pensée limitée. Et nostalgique. Ah !, qu’il était bon le temps où il avait table ouverte au Monde et pouvait publier en une ses pétards fabrication maison du type « La France moisie » ! Il y a plus de vingt-cinq ans, ce texte « a fait sensation », a-t-il humblement rappelé, non sans se lamenter de la « censure » qui sévit désormais contre lui. Elle « consiste à oublier de parler de moi ». Quelle pitié ! Quel chagrin…

Mais que le bâillonné se rassure : voici ici même la preuve que le complot ourdi comporte quelques failles. Ce serait en effet injustice de ne pas « parler » de la magnificence de ses idées inédites sur « la misère spirituelle » due à la généralisation de la « communication » et du « digital », reprise d’un Guy Debord usé jusqu’à la trame. D’occulter cette trouvaille si spirituelle à partir du nom de la célèbre nièce du FN : Marion Maréchal « Marketing » Le Pen. Génie de la formule ! De fermer les yeux sur sa petite lâcheté à refuser de s’exprimer sur les mères voilées qu’on veut interdire de sorties scolaires, après avoir affirmé qu’« il y a un combat laïc à mener ». D’ignorer sa condescendance envers les prix littéraires, quand il y a peu il réclamait bruyamment le Goncourt pour Houellebecq – avec succès.

Chantre de Voltaire et de la liberté, mais prompt à ne pas déplaire ou à dresser le portrait avantageux d’un certain Balladur quand, au début de l’année 1995, celui-ci était donné gagnant à la présidentielle. Philippe Sollers, écrivait Pierre Bourdieu, a « le culte des transgressions sans péril » qui « conduit à faire du cynisme un des beaux-arts ». C’est son chef-d’œuvre : avoir fait passer ses vieilles vessies académiques pour des lanternes de la rébellion. Sollers prône « la grande littérature » contre les pouvoirs opprimants avec la sincérité d’un subversif d’opérette…

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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