Contre l’IVG, la liberté de désinformer

Le site ivg.net attaque une élue qui n’a fait que révéler ses pratiques insidieuses.

Christophe Kantcheff  • 7 décembre 2016
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Contre l’IVG, la liberté de désinformer
© Jacques Loic / Photononstop / AFP

Elle a pris son téléphone et a composé le numéro d’IVG.net, un site d’apparence institutionnelle, doté d’un numéro vert, dédié à l’interruption volontaire de grossesse. Elle est enceinte, dit-elle, mais ne veut pas garder l’enfant. On lui répond : « L’IVG augmente considérablement les risques d’infertilité » ; « La plupart des femmes qui ont recours à la PMA ont d’abord eu une IVG » ; « Avez-vous pensé aux conséquences psychologiques et biologiques de l’IVG ? » ; « Les couples ne se remettent pas d’une IVG. » Mais elle a pris sa décision et cherche des renseignements pratiques. On ne lui en délivre aucun. Au lieu de quoi, pendant les dix-huit minutes que dure la conversation, on lui susurre des mensonges, on adopte un ton patelin pour lui faire peur.

Heureusement, « elle » n’est pas une jeune fille de 16 ans en rupture avec sa famille et délaissée par le géniteur. Elle n’est pas perdue, vulnérable, prise de panique. « Elle » s’appelle Aurore Bergé, conseillère municipale Les Républicains (LR) à Magny-les-Hameaux (Yvelines) et soutien d’Alain Juppé pendant la campagne de la primaire à droite. Indignée par ce test qu’elle a effectué auprès de ce site – étrangement référencé au mieux par Google –, Aurore Bergé a pris parti pour le projet de loi sur le délit d’entrave à l’IVG, porté par la ministre Laurence Rossignol.

Au Sénat, après les débats et le vote à l’Assemblée, la droite la plus réactionnaire crie à la liberté d’expression – faussement puisqu’il s’agit de sites trompeurs exerçant des pressions insidieuses. Ces esprits trempés d’eau bénite et de traditions phallocrates sont toujours prompts à revenir, d’une manière ou d’une autre, sur la légitimité de l’avortement. Ils ont, hélas, leurs idiots utiles, comme la Quadrature du Net, dont les arguties juridiques sont aveugles aux enjeux sociaux, politiques et existentiels liés au droit d’accéder à une information neutre à propos de l’IVG. Aurore Bergé est attaquée en diffamation par IVG.net, qui réclame en outre des sanctions à son encontre auprès de l’état-major LR. L’élue s’est pourtant contentée de résumer une conversation et, partant, de révéler les pratiques du site. Mais celui-ci exècre l’information brute…

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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