Benoît Hamon : « Bilal ? C’est très joli, j’en suis fier ! »

À Montreuil, pour l’entre-deux tours de la primaire du PS, Benoît Hamon a prôné la diversité, la laïcité, la mixité. Et le rassemblement.

Pauline Graulle  • 27 janvier 2017 abonné·es
Benoît Hamon : « Bilal ? C’est très joli, j’en suis fier ! »
© Photos : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Il aime à répéter qu’il n’est pas l’homme providentiel. Benoît Hamon a pourtant été accueilli comme une vraie star à Montreuil (Seine-Saint-Denis), hier, pour son meeting de l’entre-deux tours de la primaire. 3 500 personnes qui scandent des « Benoît, Benoît » et lancent des « je t’aime ! ». « Je ne sais pas qui a dit ça, mais moi aussi… », sourit-il, en montant à la tribune.

Il commence par des excuses. Il a été retenu au JT de TF1 avec… François Fillon, l’invité qui n’était pas prévu au programme. Du coup, il arrive un peu en retard (une petite demi-heure). « Excusez-moi », répète-t-il. Humble. Toujours. Malgré les près de 36 % recueillis au premier tour qui ont propulsé l’outsider socialiste au rang de favori pour dimanche.

« Il y a encore quelques mois, on me donnait un score un peu ridicule, marginal », dit-il sans fanfaronnade. Soulagé, en tout cas, d’avoir réussi le débat à haut risque de la veille contre Manuel Valls :

Hier, les journalistes pensaient que ce serait un combat de boxe entre utopistes et réalistes. Comme si la ligne qui nous a fait perdre toutes les élections intermédiaires depuis 2012 était efficace !

Bilal, David, Benoît et les autres…

Il commence par citer Jaurès : « Il faut partir du réel pour aller à l’idéal. » Enchaîne : « Tout a commencé par le fait que j’ai donc accueilli mon nouveau nom de baptême : l’extrême droite a décidé de changer mon prénom pour [m’appeler] « Bilal » Hamon, un très joli prénom à mes yeux ». « Bilal, Bilal ! », s’amuse le public.

Marine Le Pen, Benoît Hamon compte la battre au second tour et « même au premier tour » : « Moi, je leur dis, à l’extrême droite : je suis fier qu’ils m’appellent Bilal, et je serais fier qu’ils m’appellent Elie, David, peu importe ! Ça me fait plaisir ! » Lui, la République, il la voit diverse, métissée. « La France, c’est une narration. »

Il évoque sa déception, et même sa « blessure » que des vallsistes l’aient accusé d’« islamo-gauchisme » _« au motif que nous ne partageons pas une conception de la laïcité qui serait un dogme de plus ». Dénonçant « l’offensive néoconservatrice » – et se gardant bien de préciser si elle vient de la droite ou de la gauche –, Benoît Hamon met les points sur les « i » :

Je serai implacable face à ceux qui remettront en cause l’égalité femmes-hommes. Mais je ne laisserai pas davantage dire qu’une femme ne peut pas porter un voile.

« Gauche résignée »

Il semble loin le temps où le « petit » candidat réunissait ses quelques soutiens à quelques villes de là, à Saint-Denis, fin août, pour un discours un peu laborieux. De meetings en plateaux télé, Benoît Hamon a fini par se détendre, à se passer de ses notes. Il faut dire qu’il a « perdu ses deux paires de lunettes en vingt-quatre heures ». N’empêche, la campagne l’a « fatigué », mais bonifié. Plus à l’aise. Il improvise. Pas un tribun, certes, mais qu’importe…

© Politis

Son truc, c’est de tisser ses thèmes : l’écologie, les singes qui disparaissent… « Il faut que nous imposions dans le débat public l’idée qu’on peut négocier la dette avec les banquiers, pas avec la nature. » Mais aussi, bien sûr, le revenu universel, la pauvreté des jeunes, l’insertion sociale et professionnelle difficile, les 45 milliards du revenu universel offerts sans contrepartie aux entreprises via le CICE. « L’éradication de la pauvreté » serait donc une « utopie » ? Hamon ne veut plus de cette « gauche résignée, qui a baissé la tête ».

Il veut une réforme de l’éducation. À la tribune, le candidat découpe une feuille de papier à chaque étape de « l’écrémage » républicain de l’école primaire à l’université. À la fin, ne reste qu’un petit confetti : ces « élites » qui gouvernent et « pensent le système éducatif à leur image », « ces polytechniciens [qui] savent tout, et rien d’autres », selon le bon mot de Clemenceau.

« Là où il y a de la mixité sociale, c’est là où les enfants réussissent le mieux », affirme l’éphémère ministre de l’Éducation Nationale. Ce qu’il veut : pas plus de vingt-cinq élèves par classe et pas plus de vingt dans les classes REP et REP+. Mais aussi « changer les bassins de recrutement des collèges » pour les rendre plus « mixtes socialement » et ainsi, « éviter les stratégies d’évitement ». Il veut encore engager une « discussion » avec l’enseignement privé aux objectifs de mixité sociale pour lui « assigner des objectifs » en termes de mixité sociale.

Le candidat du « rassemblement »

Assez parlé, il faut finir. Par l’essentiel : « Lundi matin, si les Français de gauche me font confiance, il me reviendra de rassembler un peu plus qu’une famille politique », prévient-il, comme pour préparer les esprits. « Je ferai tous les gestes nécessaire pour que [toute la gauche] se réunisse. Nous n’avons aucune chance d’être qualifiés au second tour si nous n’engageons pas la discussion ». Certes, les différences existent avec Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, sur la construction européenne « ou sur la Russie avec Jean-Luc ». Mais, assure Benoît Hamon, « je prendrai toutes les initiatives nécessaires pour que ces discussions existent ». Et « je ne pose aucun préalable au rassemblement ». Pas comme Mélenchon, sous-entend-il, qui veut être candidat ou rien.

Aux électeurs, donc, de choisir, dimanche « entre un candidat qui rassemble et un candidat qui clive ». Entre lui et Valls. Mais la pique se réfère aussi peut-être à Mélenchon.

Hamon annonce que, face à la droite dure, la victoire ne se fera qu’à une seule condition : « Ne pas être tiède, être robuste. » « La force de la gauche, ça a été d’opposer aux hommes providentiels de la droite l’intelligence collective, conclut-il. Seul, on va peut-être un peu plus vite, mais ensemble, on va plus loin. »

Pour aller plus loin…

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »
Entretien 17 avril 2024 abonné·es

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »

Peter Mertens, député et secrétaire général du Parti du travail de Belgique, publie Mutinerie. Il appelle à multiplier les mobilisations contre l’Europe néolibérale et austéritaire sur tout le Vieux Continent.
Par Olivier Doubre
« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 
Politique 12 avril 2024 abonné·es

« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 

À la peine dans les sondages pour les élections européennes, avec une campagne qui patine, le parti écologiste se déchire sur fond d’affaire Julien Bayou. La secrétaire nationale, Marine Tondelier, tente d’éteindre le démon de la division.
Par Nils Wilcke
« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »
Entretien 11 avril 2024 abonné·es

« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »

À deux mois des élections européennes, l’ONG internationale Avaaz part en campagne contre le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen dont les sulfureux liens internationaux sont inquiétants.
Par Michel Soudais
« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »
Entretien 10 avril 2024 libéré

« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »

Le professeur de science politique Philippe Marlière est coauteur d’un court ouvrage étrillant la classe politique française et interpellant six personnalités (dont Hollande, Macron, Mélenchon). Pour lui, la gauche doit se repenser si elle souhaite devenir majoritaire.
Par Lucas Sarafian