Quelle (dé)mondialisation ?

Réintroduire les contrôles de capitaux s’impose pour limiter le poids de la finance globalisée.

Dominique Plihon  • 25 janvier 2017 abonné·es
Quelle (dé)mondialisation ?
© Photo : Stringer / Imaginechina / AFP

L’avenir de la mondialisation apparaît incertain aujourd’hui. D’un côté, les discours protectionnistes se multiplient, à commencer par celui du nouveau président des États-Unis. Mais, d’un autre côté, le président chinois vient au forum de Davos pour plaider en faveur du libre-échange et de la mondialisation ! Les données montrent clairement que le commerce international a connu une forte décélération avec la crise. De 1980 à 2007, il croissait deux fois plus vite que le PIB mondial. Depuis 2007, les échanges internationaux augmentent au même rythme que la croissance mondiale, qui s’est elle-même fortement réduite. Cette inflexion du commerce mondial a des causes structurelles. 60 % du commerce correspond à des échanges au sein des groupes multinationaux. Face à la hausse des coûts de transport et des salaires dans les pays émergents, les firmes transnationales ont commencé à remettre en cause la délocalisation de leur production. Ce dont il faut évidemment se réjouir, pour des raisons sociales et écologiques.

Mais le recul des échanges est encore plus spectaculaire du côté de la finance internationale. La crise des subprimes semble avoir calmé l’ardeur des investisseurs financiers. Depuis 2006, le poids des mouvements de capitaux a été divisé par dix ! Les principales catégories de mouvements de capitaux sont en recul. Les investissements directs, vecteurs des opérations de délocalisation, ont chuté. L’essentiel du ralentissement provient de la baisse des prêts entre banques, c’est-à-dire d’opérations transfrontières financières de nature largement spéculative. Là aussi, on ne peut qu’applaudir.

Ces évolutions reflètent des changements en profondeur dans le capitalisme mondialisé. Il est cependant difficile de considérer que la mondialisation est terminée. Plutôt que de « démondialisation », il s’agit d’un processus de « rétractation » de l’économie mondiale [1]. Dans certains domaines, la mondialisation pourrait s’intensifier à l’avenir. Ce devrait être le cas pour les échanges de données, le numérique, le développement des réseaux sociaux à l’échelle internationale, sous l’effet des nouvelles technologies.

Il est important de mettre à profit la crise du capitalisme global pour faire reculer la mondialisation dans ses dimensions les plus nuisibles. Ainsi, 30 % des mouvements de capitaux correspondent à des transferts financiers effectués par les entreprises multinationales pour échapper au fisc en délocalisant leurs profits dans les paradis fiscaux. Il est impératif de réduire à néant ces flux inacceptables. Réintroduire les contrôles de capitaux s’impose pour limiter le poids de la finance globalisée. Du côté des échanges commerciaux, il est non moins impératif de réduire les déséquilibres entre pays, source d’instabilité et de domination. Ainsi est-il nécessaire de s’attaquer au déficit commercial considérable de plus de 100 milliards d’euros de la zone euro avec la Chine. L’absence de politique commerciale commune des pays européens vis-à-vis des pays tiers est devenue intolérable. Ce constat doit conduire à une remise en cause des accords de libre-échange.

[1] Cette crise qui n’en finit pas. Par ici la sortie, Attac, Les Liens qui libèrent. Lire notre critique ici.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes