Vincent Peillon : la continuité, c’est maintenant !

Les propositions électorales de l’ancien ministre de l’Éducation, pour la primaire organisée par le PS, rappellent à bien des égards celles du candidat François Hollande.

Nadia Sweeny  • 3 janvier 2017 abonné·es
Vincent Peillon : la continuité, c’est maintenant !
© Photo: Julien Mattia / NurPhoto

Devant un parterre de députés, parisiens pour la plupart, et en l’absence remarquée d’Anne Hidalgo, un de ses plus importants soutiens, Vincent Peillon a présenté mardi 3 janvier son programme pour la primaire de la Belle alliance populaire.

Une heure avant Manuel Valls, son principal rival, il a revendiqué haut et fort s’inscrire « dans l’histoire du socialisme », de Léon Blum à François Hollande. Pas question pour l’un des co-fondateurs du feu Nouveau parti socialiste, de trop s’éloigner de la ligne tracée par le Président.

L’une des priorités de l’ancien locataire de la rue de Grenelle sera donc naturellement l’éducation, pour ne pas dire la jeunesse. C’était déjà, il y a cinq ans, la priorité du mandat de François Hollande.

Vincent Peillon annonce beaucoup de maintiens de dispositifs, comme celui de la lutte contre le décrochage scolaire, « qui a permis 50 000 décrochages en moins », ou encore du dispositif « plus de maîtres que de classes » ou le recrutement des professeurs. Il promet d’« aller plus loin », avec l’embauche de 8 000 enseignants supplémentaires dans l’enseignement supérieur et l’investissement de 100 millions d’euros par an dans la recherche.

Approfondir une continuité : une position risquée, au regard du bilan du quinquennat Hollande. D’autant que celui qui se dit au « centre de la gauche », s’engage dans un jeu d’équilibriste qui consiste à être différent de Manuel Valls, tout en se revendiquant de la politique de François Hollande.

Le caillou dans la chaussure de Valls

Assurant ne pas « vouloir faire la guerre » à son rival interne, l’ancien ministre de l’Éducation nationalE tente de rompre avec certains aspects de la politique vallsiste. Il veut, par exemple, « refermer la blessure » laissée par le débat sur la déchéance de nationalité ou encore permettre à la France de jouer son rôle dans l’accueil des réfugiés, estimant qu’elle « n’a pas respecté sa parole » sur cette question.

Sans abroger la loi travail, passée en juillet 2016 avec fracas à coup de 49.3, Vincent Peillon annonce vouloir revenir sur la hiérarchie des normes et supprimer l’article sur la baisse des majorations des heures supplémentaires s’il est élu.

Malgré cela, le programme respectif des deux rivaux ont des allures communes : création de 5 000 postes supplémentaires en gendarmerie et police, augmentation à 2% du PIB des efforts militaires français, limitation du cumul des mandats dans le temps et baisse du nombre de parlementaires, suppression de la Cour de justice de la République ou consultation des citoyens lors de la fabrication des lois au Parlement…

Un « new deal européen »

Sur le plan économique, Vincent Peillon joue aussi l’équilibriste en se disant à la fois pour le maintien des politiques de limitation budgétaire, tout en annonçant 16 milliards d’euros de dépenses nouvelles.

Plaidant pour l’augmentation de l’endettement de l’Europe, et non des États, il propose un « new deal européen », qui n’est pas sans rappeler les démarches de François Hollande en faveur d’un « Pacte pour la croissance et l’emploi » signée en juin 2012, et la mise en place du plan Juncker d’investissement à hauteur de 315 milliards d’euros, que Vincent Peillon veut voir monter à 1 000 milliards.

« On peut être de gauche et européen », répète le député européen en remettant sur la table l’idée d’une taxe carbone européenne, proposition faite par François Hollande à la conférence environnementale, le 14 septembre 2012 et… jamais aboutie.

Au niveau écologique, le candidat à la primaire du PS annonce sa volonté de réduire la part du nucléaire à 50% de la production d’électricité à l’horizon 2025… Là encore une proposition du Président de la république, déjà inscrite dans la loi « sur la transition énergétique pour la croissance verte » votée en juillet 2015.

La constante des reprises des propositions du chef de l’État le pousse même à se relancer dans les promesses non tenues du candidat Hollande, comme le droit de vote des étrangers aux élections locales ou encore l’ouverture de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes.

Pas de surprise majeure donc dans ce programme, si ce n’est la proposition de créer un service public des maisons de retraite, qui les rendraient accessibles aux petits revenus des anciens.

Le candidat Peillon drague à sa gauche

Soucieux de s’adresser à l’aile gauche de son parti, Vincent Peillon prône aussi la mise en place d’un bouclier fiscal pour les plus modestes, en plafonnant notamment la taxe d’habitation, aujourd’hui « injuste » car non indexée sur les revenus des foyers.

Il veut aussi conditionner le versement du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) à « la signature d’accords de branche et d’entreprises consacrés à la formation, à la recherche-développement et à la qualité de l’emploi et des conditions de travail ». Reprenant ainsi, les vives critiques de Martine Aubry à l’occasion du débat sur le CICE.

Toujours pour contenter son aile gauche, M. Peillon annonce une réduction des impôts pour les plus modestes, en rapprochant la CSG (contribution sociale généralisée) de l’impôt sur le revenu afin de la rendre progressive. Une proposition qui « faisait déjà la une du Monde il y a plus de 15 ans »… Avec Vincent Peillon, le renouveau c’est maintenant !

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