« Chez nous », de Lucas Belvaux : Soigne ton extrême droite !

Dans Chez nous, Lucas Belvaux met en scène une jeune infirmière courtisée par un parti d’extrême droite dans une ville du Nord.

Christophe Kantcheff  • 15 février 2017 abonné·es
« Chez nous », de Lucas Belvaux : Soigne ton extrême droite !
© Photo : Synecdoche/Artemis Productions

Lucas Belvaux, avec son coscénariste, l’écrivain Jérôme Leroy, a documenté son film avec précision. Il était nécessaire, pour être crédible, que tout ce qui concerne le parti d’extrême droite, ici dénommé le Bloc patriotique, soit le plus réaliste possible. Mais la véracité des faits contenus dans un film n’en garantit pas la réussite. Si Chez nous touche aussi juste, c’est parce que Lucas Belvaux a choisi de placer sa caméra à hauteur d’une jeune infirmière, Pauline (Émilie Dequenne), que les hiérarques du parti d’extrême droite veulent pour candidate aux municipales d’Hénart, une ville du Nord de la France abîmée par la crise.

En adoptant le point de vue de Pauline, le film nous place au plus près des sentiments de cette femme dévouée, sensible à la souffrance des autres et flattée d’être sollicitée par un mouvement politique ayant pignon sur rue pour agir en faveur de ses concitoyens. Agent de cette séduction : le docteur Berthier, qui s’est naguère si bien occupé de sa mère – interprété par un André Dussollier au plus haut de son art, tour à tour rassurant puis inquiétant. Mais la jeune femme ne voit pas, ne sait pas qui sont les écrivains dont les photographies ornent le salon du bon médecin, et qui auraient pu l’affranchir : Maurras, Céline, Drieu La Rochelle, tout un patrimoine idéologique…

Dénuée de culture politique, la transmission avec son père communiste (Patrick Descamps) n’ayant pas eu lieu – voir la scène d’affrontement entre les deux –, Pauline a ses affects pour ligne de conduite, dont Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), avatar de Marine Le Pen, est la manipulatrice en chef. Seule la fiction peut faire comprendre aussi étroitement comment une bonne volonté se voit pervertie par un parti mortifère à la façade ripolinée.

Mais les masques finissent toujours par tomber. Par le biais de Stanko (Guillaume Gouix), l’amoureux de Pauline, mauvaise conscience du Bloc patriotique pour avoir appartenu à son service d’ordre, un identitaire devenu infréquentable, car, comme le lui reproche Berthier, il a refusé de revêtir « le costume », celui de la respectabilité.

Loin de la « fiction de gauche », qui ne faisait que dénoncer l’infâme, Chez nous est un film en immersion romanesque. Pas de surplomb moralisateur : une morale du regard, mieux à même d’appréhender le danger.

Chez nous, Lucas Belvaux, 1 h 58.

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