Les oliviers millénaires, un fructueux trafic

Les ventes de vieux oliviers arrachés et transportés se multiplient. Hélas, rien n’interdit le trafic de ces monuments végétaux destinés à décorer les parcs de milliardaires d’Europe et du Proche-Orient.

Claude-Marie Vadrot  • 5 février 2017 abonné·es
Les oliviers millénaires, un fructueux trafic
© Photo : Manuel Cohen / MCOHEN

Lentement, régulièrement et inexorablement, les vieux oliviers du sud de l’Europe prennent la route vers la France, l’Allemagne, le Proche-Orient et même la Grande-Bretagne. Ils sont arrachés puis achetés à prix d’or par de riches clients – qui pensent peut-être ainsi prendre de l’avance sur le réchauffement climatique. Ils deviennent des décorations dans des parcs et jardins privés, et parfois crèvent au bout de quelques années…

Un exemple entre des centaines : le milliardaire du vin Bernard Magrez, qui en (re)plante régulièrement dans les vignes de ses quatre « châteaux » de grands crus du Bordelais. Certains de ces arbres ont dépassé le millier d’années dans une terre espagnole, avant d’être déterrés puis transportés avec leurs racines dans d’énormes camions. Certains de ces monuments végétaux sont même proposés dans des ventes aux enchères par des spécialistes qui assurent ainsi les « sauver ».

Adjugé pour 60 000 euros

Dans celle organisée l’année dernière par la maison Machoïr-Héras dans un château proche de Toulouse, un vieil olivier d’une circonférence de plusieurs mètres a été adjugé pour 60 000 euros. Une somme dont les vendeurs n’ont aucune idée quand ils cèdent leurs arbres aux spécialistes qui les démarchent. D’autres oliviers, en compagnie de voitures de collection de prix, de tableaux et de vins prestigieux, figurent d’ailleurs encore sur le catalogue de cette société.

Le trafic a atteint une telle ampleur que certaines régions d’Espagne ont interdit cette « exportation » et ont mis au point un système d’immatriculation des oliviers les plus anciens qui permet d’amoindrir l’importance de cette perte patrimoniale. Autre arme des Espagnols qui souhaitent mettre fin à ce commerce : la production d’une huile d’olive garantie comme provenant des arbres de plus d’un millier d’années – qui se vend à plusieurs dizaines d’euros le litre. Cette labellisation constitue une arme de dissuasion pour les agriculteurs et les propriétaires terriens tentés de vendre à bas prix leur patrimoine végétal. Mais ni cette initiative ni la signature d’une pétition nationale qui a déjà recueilli des centaines de milliers de signatures n’a mis fin au trafic. Il se fait simplement plus discret.

« Arracheurs » et transporteurs spécialisés

Le parc de 2,5 millions d’hectares d’oliviers espagnols, le plus grand du monde, reste menacé par les ventes de ces vieux arbres, qui se poursuivent sans pouvoir être interdites. Au point d’avoir généré des « arracheurs » et des transporteurs spécialisés qui garantissent que la remise en terre des exemplaires importés sera un succès si leurs conseils sont suivis à la lettre. Le problème, c’est que les « voleurs d’oliviers » n’agissent pas seulement en Espagne, mais aussi dans le sud de l’Italie et surtout en Grèce, où ils tirent profit de la situation économique, d’un désordre politique grandissant et de la pauvreté de plus en plus prégnante d’une partie des agriculteurs. Ce qui explique qu’une dizaine de pépiniéristes spécialisés, proposent encore actuellement, essentiellement sur Internet, des « oliviers millénaires » (ou centenaires), en garantissant leur résistance au froid. Sans aucun souci puisque, quel que soit leur âge, aucune réglementation européenne n’interdit leur commerce.

Écologie
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