France insoumise : « Le mariage pour tous, on l’a déjà fait ! »

Pour les militants de la France insoumise, un rassemblement Mélenchon-Hamon est impossible, voire pas souhaitable.

Pauline Graulle  • 1 mars 2017 abonné·es
France insoumise : « Le mariage pour tous, on l’a déjà fait ! »
© Photo : ÉRIC CABANIS / AFP

Parc floral, bois de Vincennes. En ce lumineux samedi après-midi, les soutiens de Jean-Luc Mélenchon sont réunis dans ce trou de verdure parisien pour une grande journée consacrée à l’écologie. Au lendemain du rendez-vous secret entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, et alors même que le ralliement d’EELV au candidat socialiste est sur le point d’être conclu, le « rassemblement » semble ici fort peu occuper les esprits.

Frédéric Colas, technicien de Seine-et-Marne, arbore le badge « phi » sur son blouson mais se décrit plus comme un sympathisant que comme un insoumis. Un rassemblement entre Mélenchon et Hamon ? Très peu pour lui : « L’un plus l’autre, c’est le mauvais score assuré ! Contrairement à ce que beaucoup pensent, un accord leur nuirait », estime celui qui juge de toute façon que la présidentielle est moins importante que « le projet global de la France insoumise de conquérir les esprits ». Son voisin, technicien lui aussi, venu de Romainville (93) « comme ça, pour voir », trouve au contraire que « c’est mieux à plusieurs que seul, mais à condition que Hamon lâche le PS. » Annie, altermondialiste militante contre le nucléaire, n’est pas dupe : « Moi, j’aimerais bien qu’il y ait une alliance. Mais, visiblement, cela semble impossible. »

Annie est loin d’être représentative de l’opinion générale. Chez les insoumis, on reste persuadé que Mélenchon pourra, seul, accéder au second tour. On croit en la rencontre d’un homme et d’un peuple. N’en déplaise aux enquêtes d’opinion qui donnent aujourd’hui au candidat environ 12 % d’intentions de vote. « La moitié des gens n’ont pas encore fait leur choix, alors que valent les sondages ?, fait valoir Hélène Franco. Je connais beaucoup de gens qui ne voteront plus jamais PS, même si Mélenchon le leur demande. Si on veut faire voter les abstentionnistes, il faut arrêter avec les partis », poursuit l’auteure du livret « Justice » du programme de la France insoumise.

Un programme qui continue d’ailleurs de très bien se vendre en librairie. Signe que la dynamique est là, selon Martine Lachaud, installée à la même table de pique-nique qu’Hélène Franco : « Mélenchon n’a pas besoin d’Hamon pour gagner. Le mariage pour tous, c’est bon, on l’a déjà fait, maintenant on arrête ! », plaisante-t-elle en riant jaune. Il faut dire qu’elle est candidate aux législatives contre le vallsiste Luc Carvounas, à Alfortville. Une bataille qui s’annonce rude.

Le PS, objet de leurs ressentiments. « Les socialistes, on connaît la valeur de leur signature », grince Hélène Franco, qui ne pardonne pas à Benoît Hamon d’avoir voté la confiance à Bernard Cazeneuve et de s’être abstenu sur le Ceta. Le PS et ses accords de boutique, la magistrate connaît : elle a passé dix ans au parti de François Hollande. « Un parti névrosé, dont la politique a conduit à faire flamber comme jamais le FN », dit-elle.

Mohamed, étudiant de 23 ans, reconnaît que Hamon et le PS, ce n’est pas la même chose. Il n’empêche : « J’ai de la sympathie pour Hamon, pas pour son entourage : les Jérôme Guedj et autres opportunistes, je ne peux plus. » Pour celui qui a voté Hollande, la cassure est arrivée tôt, au moment de la réforme des retraites en 2012. Puis il y a eu Valls, la loi Macron, la loi travail… « Je me suis fait gazer lors des manifs contre la loi El Khomri, je n’ai pas le syndrome de Stockholm ! », dit Mohamed. Un peu plus loin, César, 25 ans, regrette : « Hamon est enchaîné avec le PS, il est dans l’ambiguïté, déjà, à la base, alors je ne lui fais pas confiance pour négocier, en particulier sur l’Europe, où il va falloir être ferme. »

Mélenchon, l’homme fort. Le seul à même de ferrailler contre des Poutine et autres Trump. De ne pas se laisser avoir par les lobbys. Annie, l’altermondialiste écolo, lui reproche son caractère clivant, mais lui accorde d’être « le plus indépendant de tous ». « Il a de la bouteille ; à côté, Hamon est un bébé, il ne va pas faire le poids, ajoute Marie, une de ces écologistes qui ont rejoint la France insoumise. Mélenchon a une force d’entraînement car c’est le dernier idéologue français, Hamon n’a qu’à le rejoindre. »

Outre l’idée que Mélenchon y arrivera mieux seul que (mal) accompagné, ce qui relie tout ce petit monde, c’est le refus du « vote utile » pour contrer une nouvelle fois Marine Le Pen. Et tant pis si la désunion entre Mélenchon et Hamon lui offre un boulevard. « Si Le Pen gagne, ce ne sera ni la faute d’Hamon ni celle de Mélenchon, qui est le seul à pouvoir capter cet électorat en colère », juge Frédéric Colas, qui annonce qu’il ne votera pour personne d’autre que Mélenchon au second tour. « Le problème, justifie-t-il, n’est pas “comment faire” pour que le FN ne monte pas, mais “pourquoi” il monte ». En l’occurrence, trente ans d’échec de politiques libérales.

« La poussée de l’extrême droite a lieu dans le monde entier », ajoute Marie, pour démontrer que le problème dépasse la division de la gauche française. Et que seule une politique claire et radicale pourra y remédier.