Logement : des arrêtés anti-expulsion d’un nouveau type

Pour contourner la censure administrative, onze maires de banlieues populaires ont déposé ensemble à la préfecture de Bobigny des arrêtés… « anti-mise à la rue », à la veille de la fin de la trêve hivernale.

Malika Butzbach  • 31 mars 2017
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Logement : des arrêtés anti-expulsion d’un nouveau type
© Photo : Malika Butzbach

On prend la loi au mot pour obliger l’État a faire face à ses contradictions », sourit Yasmina Boudjenah, première adjointe (PCF) de Bagneux. Car si la loi autorise les expulsions locatives, elle prévoit cependant qu’une solution de logement doit être apportée. Les élus de onze communes de Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine et Val-de-Marne – dix communistes, une socialiste – ont donc transformé leurs arrêtés anti-expulsion, souvent annulés en préfecture car illégaux, en arrêtés « anti-mise à la rue ».

Selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, les expulsions locatives ont atteint un seuil record en 2015, à hauteur de 14 400, soit une augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente. « De plus en plus de nos citoyens peinent à payer leur loyer, témoigne une adjointe de Bondy. Les familles monoparentales sont les plus touchées. » Parmi elles, celle de Kadiatou, mère célibataire de 37 ans : elle est venue accompagner le maire de La Courneuve, espérant que sa situation se régularise. La jeune femme a reçu un avis d’expulsion pour le 8 mai, suite à des impayés. « Je travaille, mais par période, et ça ne me permet pas de payer mon loyer mensuel de 680 euros », explique-t-elle. Si elle est expulsée, elle craint que ses six enfants, âgés de 2 à 17 ans, dorment à la rue.

Nous avons rencontré l’intérimaire du préfet dans les couloirs. Il nous a expliqué que le corps préfectoral n’était pas autorisé à sortir des bureaux lors des périodes présidentielles. Du coup, nous leur avons demandé de ne pas faire sortir les locataires, mais nous n’avons eu aucune réponse.

Devant Kadiatou, qui filme la scène, et les militants de la Confédération nationale du logement (CNL) venus en soutien, les élus locaux signent les nouveaux arrêtés et entrent dans la préfecture. Ils en ressortent une dizaine de minutes plus tard. « On dit que quand c’est court, c’est une bonne chose mais là, absolument pas », lance Azzédine Taïbi, maire (PCF) de Stains, à l’initiative de mouvement :

Même s’il sait que les arrêtés anti-mise à la rue risquent d’être retoqués, il annonce qu’il ne lâchera pas : « Nous allons taper plus haut pour nous faire entendre ! »

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