Turquie : La faute de Paris

Meeting à Metz : est-il opportun d’encourager une dérive dictatoriale en Turquie ?

Politis  • 15 mars 2017
Partager :
Turquie : La faute de Paris
© photo : OZAN KOSE / AFP

La décision française d’autoriser le ministre turc des Affaires étrangères à tenir un meeting à Metz pose problème. Laissons de côté les critiques de la droite, qui invoque, comme l’a fait François Fillon, « la rupture flagrante de solidarité européenne ». Ni les Pays-Bas ni l’Allemagne, qui ont interdit le même meeting sur leur territoire, n’ont demandé leur avis aux autres capitales. Ce qui choque renvoie à la dérive autoritaire du régime d’Ankara et à la nature du référendum pour lequel le ministre est venu faire campagne. En effet, les Turcs sont appelés à voter le 16 avril sur une réforme constitutionnelle autorisant le président Recep Tayyip Erdogan à intervenir dans tous les domaines, y compris judiciaire. « L’équilibre entre le judiciaire, l’exécutif et le législatif sera rompu », estime Kemal Kiliçdaroglu, chef de l’opposition, pour qui cela signifierait « qu’il n’y a plus de démocratie ».

Il s’agirait en fait d’institutionnaliser la situation créée depuis le coup d’État manqué du 15 juillet. Une aubaine pour Erdogan, qui a fait arrêter plus de 43 000 personnes et limoger ou suspendre plus de 100 000 autres, dont beaucoup d’universitaires, de journalistes et de magistrats qui n’avaient rien à voir avec le coup d’État.

La question qui se posait à la France n’était donc pas de savoir si le meeting constituait ou non une « menace pour l’ordre public » à Metz, mais s’il était opportun d’encourager une dérive dictatoriale en Turquie. Cela au moment où Ankara accentue sa répression à l’encontre du peuple kurde. S’agissant des « grands principes », souvenons-nous que Paris, en 2013, avait un temps refusé le survol du territoire par l’avion du président bolivien Evo Morales, au prétexte qu’Edward Snowden, l’informaticien à l’origine des révélations sur l’espionnage américain, aurait pu se trouver à bord…

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

En Cisjordanie occupée, les oliviers pris pour cibles
Reportage 10 novembre 2025 abonné·es

En Cisjordanie occupée, les oliviers pris pour cibles

Alors qu’Israël ne respecte pas le cessez-le-feu à Gaza, entré en vigueur le 10 octobre, la colonisation en Cisjordanie s’intensifie. Au moment de la récolte annuelle des olives, les paysans subissent les attaques violentes et répétées des colons, sous l’œil de l’armée israélienne.
Par Marius Jouanny
Moldavie : un programme pour reboiser un pays qui a perdu sa forêt
Reportage 10 novembre 2025 abonné·es

Moldavie : un programme pour reboiser un pays qui a perdu sa forêt

Considéré comme l’un des pays européens les plus vulnérables aux impacts du changement climatique et l’un des moins bien dotés en forêts, l’État moldave s’est embarqué il y a deux ans dans une aventure visant à planter des arbres sur 145 000 hectares.
Par Mathilde Doiezie et Alea Rentmeister
« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »
Entretien 7 novembre 2025 abonné·es

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »

Clément Deshayes, anthropologue et chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste du Soudan, revient sur l’effondrement d’un pays abandonné par la communauté internationale.
Par William Jean et Maxime Sirvins
Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes
Soudan 7 novembre 2025 abonné·es

Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes

Les massacres commis à El-Fasher illustrent une guerre hautement technologique au Soudan. Derrière le cliché des pick-up dans le désert, une chaîne d’approvisionnement relie Abou Dabi, Pékin, Téhéran, Ankara et même l’Europe pour entretenir l’un des conflits les plus meurtriers de la planète.

Par William Jean et Maxime Sirvins